Lors du dernier concours, le vainqueur avait remporté un exemplaire en avant première des cocktails mormons. Le voici maintenant en téléchargement libre. Si vous voulez savoir ce qu'est un Néphite, un Temple ou encore un Curelom (si, souvenez-vous, cet animal mentionné dans le livre de mormon, dont on ne sait pas grand chose sinon qu'il n'existe peut être plus aujourd'hui), c'est par ici. (Clickez sur l'image pour télécharger le PDF)
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samedi 17 mai 2014
vendredi 14 février 2014
La gagnante recevra très bientôt dans sa boîte mail les 12 fiches cocktails. Chacun des participants gagne quant à lui une fiche cocktail à choisir parmi les 12 :
CLB
cumom
curelom
deseret
dispute mormone
lamanite
liahona
mormon planqué
néphite
pionnier
temple
terre promise
Pour toujours
Vibrante lueur qui parait au loin,
N’est-ce ma chaste mie qui s’éveille ?
Quoi de plus précieux quand s’égayent
Les chants des oiseaux, que l’aube qui point ?
Rien ne surpasse, en vertus sacrées,
L’astre d’or qui réchauffe mon âme
Et nul ne peut trouver un seul blâme
A ses rayons libres, chauds et légers.
Radieuse perle, souvent conte !
Oui, laisse-nous nous souvenir encor’
Des cieux premiers où, au son du cor,
Nous préparions la proche chute.
L’attente, côte-à-côte, fébriles,
Incertains : serions-nous séparés ?
Mais Dieu dans Son éternelle bonté
Nous a réunis sur la même île.
Tu t’étires, engourdie de sommeil.
Cette brise chasse tous nos rêves
Et aujourd’hui tu es mon Eve.
Pour toujours, moi ton Adam, je te veille.
Alison
Tes cheveux sont comme le foin dorée au soleil d'été,
Tes yeux myosotisés semblent m'avouer :
" ne m'oublie pas "ma bien aimée.
Ton odeur est pareil à celle du bouc albanais,
qui a été en ruth toute la journée ;
ce parfum est une déléctation pour le nez.
Tes mains sont semblables à de l'écorce séchée,
rappant les miennes que tu as enlacées,
Et ton corps est aussi joli qu'un tas de planches lasurées.
Blanche Neige
1 Voici, tu es beau, mon ami; voici, tu es beau! Tes yeux sont des billes rieuses derrière tes lunettes; tes cheveux sont comme un troupeau de vieilles chèvres sur les pentes de la montagne de Galaad, mais j'aime y passer ma main pour t'exprimer mon amour.
2 Tes dents sont comme un troupeau de [brebis] tondues en déroute, qui montent du lavoir. Mais j'aime les voir croquer joyeusement les plaisirs de cette vie.
3 Tes lèvres sont comme un fil écarlate, et j'aime les voir sourire; ta bouche est agréable une fois le réveil passé; et j'aime l'entendre me dire des mots doux; ta joue est comme un quartier de grenade derrière ton voile et je préfère lorsqu'elle n'est pas trop piquante.
4 Ton cou est comme la tour de David, bâtie pour y suspendre les bras de nos enfants, de nos petits-enfants et les miens également; mille boucliers y sont suspendus, et parfois trop de choses à faire également, tous les pavois des vaillants hommes et des autres que tu continues d'encourager.
5 Tes deux seins sont moins beaux que les miens mais j'aime lorsqu'ils se rencontrent alors que tu me serres dans tes bras.
Voici, tu es beau, mon ami; voici tu es beau; et je t'aime!
Chevalier Vert
1. -Ô compagnons d'infortune, vous importunerai-je encore?
2. Quand bien même me voici entouré des héros que j'admirais jadis,
3. Sans mon aimée je suis seul, comme la coque d'une noix, vide, brisé.
-Pause-
4. Chanterai-je ànouveau le cantique de l'amour?
5. Quand bien même me tiendrais-je au milieu des déesse aux charmes infinis,
6. Si mon amie ne se trouve point à ma droite je ne voisque cendres, vanité et chagrin.
-Pause-
7. Ma bien aimée esttelle la brise qui vient du large,
8. Plus vivifiante que le plus exquis des breuvages,
9. Ses cheveux comme la soie de ...
-Arrêt soudain-
10. Une rumeur dorée a ébranlé ces lieux hantés,
11. Déjà mes pas véloces mon porté avec hâte en son centre.
12. -Comment retrouverai-je le bonheur de ma vie?
13. Aussitôt arrivée, de mon aimé je m'enquis.
14. Mon ami est ma force, il éclaire la voie,
15. Au milieu des ténèbres, il sera mon appui,
16. Mais comment le reconnaîtrai-je quand ici toutest sombre?
17. Mon âme sait qu'il approche, mon coeur le sent en un frisson.
18. Où se cache mon aimée? La multitude des âmes me la voile comme une forêt.
19. Répondra-t-elle au doux appel de son Nom?
20. -Mes oreilles ont entendu l'appel puissant demon aimé.
21. Mon coeur tressaille d'allégresse comme au matin de printemps.
22. Mes doigts ont franchi l'épais voile et agrippé les siens,
23. Et nul ne pourra briser cette étreinte éternelle.
Dray
En vérité, belle amie, ton sourire me trouble, il est ton chant.
Ton sourire chante Kolob, la cité des dieux.
D'un léger plissement des yeux,
Les longs cils d'un noir de nuit à Téhéran
Laissent l'unique, minuscule défaut accrocher mon regard.
dimanche 9 février 2014
A l'occasion de la Saint Valentin, venez participer au concours de poème.
Vous connaissez Cantique des Cantiques ? Voici un petit extrait pour vous rafraîchir la mémoire.
Vous avez jusqu'au 14 février 2014, pour écrire un petit poème à la Cantique des Cantiques incluant une référence mormone. Il devra faire entre 2 et 20 strophes. Et bien sûr, il devra être tout public. Hum. Tous les participants recevront une surprise (promis, c'est pas un marque-page).
Le gagnant recevra le mini ebook "cocktail mormon sans alcool" en avant première (pour les soirées romantiques en amoureux par exemple)
Vous connaissez Cantique des Cantiques ? Voici un petit extrait pour vous rafraîchir la mémoire.
Chapitre 4Qui a dit que Salomon était un poète bizarre ?!
1 Voici, tu es belle, mon amie; voici, tu es belle! Tes yeux sont des colombes derrière ton voile; tes cheveux sont comme un troupeau de chèvres sur les pentes de la montagne de Galaad.
2 Tes dents sont comme un troupeau de [brebis] tondues, qui montent du lavoir, qui toutes ont des jumeaux, et pas une d’elles n’est stérile.
3 Tes lèvres sont comme un fil écarlate, et ta bouche est agréable; ta joue est comme un quartier de grenade derrière ton voile.
4 Ton cou est comme la tour de David, bâtie pour y suspendre des armures; mille boucliers y sont suspendus, tous les pavois des vaillants hommes.
5 Tes deux seins sont comme deux faons jumeaux d’une gazelle, qui paissent parmi les lis.
Vous avez jusqu'au 14 février 2014, pour écrire un petit poème à la Cantique des Cantiques incluant une référence mormone. Il devra faire entre 2 et 20 strophes. Et bien sûr, il devra être tout public. Hum. Tous les participants recevront une surprise (promis, c'est pas un marque-page).
Le gagnant recevra le mini ebook "cocktail mormon sans alcool" en avant première (pour les soirées romantiques en amoureux par exemple)
Pour participer, il suffit d'envoyer votre poème à lecteurlrsn-nouvelles@yahoo.com
Suite à des questions supplémentaires, j'ai décidé de poster un exemple ici, (mais sentez-vous libre d’interpréter la consigne comme vous voulez). Vous pouvez faire ça sérieusement, ou pas. Ne placer qu'une référence, ou en mettre cinquante.
Tes bras sont fermes comme ceux des guerriers d'Hélaman, tes mains douces comme comme celles d'un cœur vaillant.
Ta voix m'enivre comme l'odeur du repas de fin de jeûne, mon ami, mon tendre ami.
lundi 27 janvier 2014
Félicitation à Dray !
Je vous laisse découvrir sa nouvelle.
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Je vous laisse découvrir sa nouvelle.
Il
n'y a pas dix milliards de façon de préparer un déménagement.
Enfin,
si. On peut s'y prendre vraiment à l'avance, s'organiser, faire des
petites listes (des tonnes de petites listes, les gens biens et
organisés font des petites listes), avoir des cartons tous de la
même taille, prêts à remplir de tout un tas d'objets colorés et
utiles. Ou on peut se dire que ça va, on est large; et réaliser
entre deux courses et arrivées en retard à l'heure des Mamans,
qu'on a trois malheureux cartons. Cartons dénichés, mouillés, aux
poubelles de la pharmacie d'à coté. Et réaliser que oui,
dites-donc, le temps est passé tellement vite qu'il va au moins
falloir passer chaque soir à ne faire que ça si on veut en avoir
fini le jour fatidique de l'état des lieux.
Voilà,
ça c'est plutôt ma façon à moi de faire.
J'avais
beaucoup de temps mais j'avais omis de prendre en considération que
les cinq longues semaines de préparation étaient en réalité très,
très courtes. Parce que la première semaine, la longue soirée sans
les enfants a, en faites, été prise par mes obligations de sœurs
visiteuses. Que le week-end suivant, lui, était pris par cette
activité de soso de confection de marsouins en peluche pour les
orphelins de Malaisie (c'est moche un marsouin en peluche, j'ai
presque eut honte en imaginant le pauvre gamin qui auraient droit à
mon épouvantable création). Et la semaine d'après il semble que
les patients les plus épouvantables du monde se soient donné
rendez-vous dans mon service, avec comme mission de me faire rentrer
chez moi dans un état proche de la serpillière trop essorée.
Bien
sur David travaillait bien trop pour que je puisse imaginer qu'une
partie du colossal boulot puisse être absorbée par ses bras
musclés. Oui, mon mari a des bras musclés. Je l'ai épousé pour
tout un tas de raisons et j’avoue que les bras musclés sont le
petit point bonus qui me fait encore sourire. Mais aujourd'hui ses
bras musclés ne sont pas en train de m'aider à faire les cartons,
alors bon...je souris moyennement...
Alors
j'en étais là, à trois semaine et trois cartons humides de mon
déménagement.
J'ai
remonté mes manches, j'ai appelé les garçons et je leur ai dit de
ranger leurs jouets dans le grand carton, oui celui là, non pas le
petit carton mouillé.
Et
j'ai commencé à trier leurs vêtements. En m'arrêtant toutes les
dix minutes pour régler leur chamailleries j'avais terminé le
carton « vêtements d'été » quand David rentrait.
J'ai
béni le sens pratique de David (qui m'était bien plus utile que ses
biceps) quand il m'a dit qu'il ramenait dix cartons du supermarché
d'à coté. Quand en plus, il m'a dit que ces cartons là n'étaient
pas mouillés, j'ai su que je suivrai cet homme jusqu'au royaume
céleste (sauf si mon addiction aux petits potins mesquins m'oblige à
faire une halte au royaume téleste...)
« Je
suis lancée dans les cartons, tu fais le repas, mon cœur ? »
Et
j'ai cartonné. Pendant qu'il faisait à manger, pendant qu'il
donnait à manger, pendant qu'il envoyait les enfants prendre leur
bain. J'ai cartonné comme si ma vie en dépendait parce que la
motivation était là et qu'il ne fallait surtout pas la gaspiller.
J'ai
compté les cartons faits, pour évaluer mon efficacité. J'en ai
compté huit, puis j'ai décoché mentalement celui des garçon en
enjambant la montagne de playmobil qu'ils avaient visiblement préféré
ressortir de leur carton fraîchement fermé.
« J'en
fait encore un et j'arrête »
L'appartement
était calme, les garçons s'étaient couchés, David se brossait les
dents, et j'ai attaqué le bureau, ce machin fourre-tout, sur lequel
traînent des papier dans tous les sens, des objets du quotidien qui
n'ont pas été utilisés depuis six mois et le bol de céréales du
petit dernier (Pourquoi sur le bureau de la chambre des parents,
pourquoi ? Les enfants ont une case toute particulière
consacrée à l'invention de nouvelle place pour chaque objet. Comme
par exemple ranger le cahier de la maîtresse à faire signer pour
demain sous les yaourts dans le frigo). Après avoir ramené le bol
dans la cuisine en pestant, j'ai commencé le tri des papiers :
Ne surtout pas mélanger la paperasse à régler avant de partir car
il n'y a rien de pire que d'oublier de payer la redevance télé
parce qu’on l'a perdue dans le déménagement. Je le sais parce que
je l'ai déjà fait.
J'avais
enlevé et classé en trois tas tous les papiers, quand j'ai remarqué
la boite bleue qui était là depuis une éternité et qui avait plus
où moins disparu, engloutie sous des couches sédimentaires de
notes, post-it, papiers importants et prospectus accumulés en deux
ans de gestion administrative hasardeuse. La boite bleue qu'on n'
avait jamais pris le temps d'ouvrir.
« Chéri,
on fait quoi de la boite que ta mère t'as donné ? On classe
maintenant où on s'en occupe dans le nouvel appart ?
-La
boîte ?
-Oui,
celle qu'elle t'a donné à Noël, y a deux ans.»
David
a passé la tête par l'embrasure de la porte « Tu fais ce que
tu veux, ma chérie, tu ne veux pas te poser un peu ? Y a un truc
sympa à la télé. »
Je
me suis assise en tailleur sur la pile de papiers « à classer,
pas urgent » (les deux autres, c'était « poubelle »
et « à classer, très urgent ») et j'ai ouvert la boite,
histoire de me faire une idée de ce qu'il y avait dedans.
Des
photos en vrac, des enveloppes, un bracelet de nouveau né, une toute
petite boite en bois avec trois dents de lait à l'intérieur.
Je
me suis arrêtée en pouffant de rire sur la photo de mon homme, en
slip de bain rouge, gaulé comme une brindille, lorsqu'il avait huit
ans. J'en ai regardé d'autres avec plus d'attention.
« Elle
était super belle quand elle était jeune, ta mère. Ta sœur lui
ressemble vraiment... »
Je
l'ai entendu répondre un truc indistinct depuis le salon.
Je
me suis arrêtée sur une liasse de papiers jaunis. Il y avait des
cartes postales en noir et blanc aux angles racornis, de fines
feuilles de papier numérotées avec une belle écriture à
l'ancienne, et quelques photos d'un homme à moustache, plutôt
chétif, en habit de soldat. Un prénommé P. Braconnier, si on se
fiait aux annotations au dos.
Des
vieilles photos. Et six carnets tout usés.
J'ai
ouvert le premier.
Il
y avait un nom, « Paul Braconnier » et une date.
12
Juillet 1914. J'ai buté sur l'année. Sous mes fesses il y avait mon
dernier relevé bancaire, reçu hier, en 2014 et sous les yeux
j'avais des mots écrit un siècle plus tôt par un moustachu
maigrichon.
La
première page débutait donc sur cette date, et les premières
lignes m'ont fait un choc :
« Le
dimanche matin je reçoit mon ordre d'appel immédiat et sans délai.
« Voilà ton ordre d'appel » me dit-on »
Je
suis restée un peu sonnée.
« T'as
le journal personnel d'un poilu ?! »
Toujours
du canapé, David répondis :
« Quoi ?
Y a un truc poilu ?
-Mais
non, idiot, je te dis qu'il y a le journal personnel d'un poilu. »
David
se leva, repassa la tête par la porte « De quoi tu parles ?
-Dans
la boîte, il y a des cahiers qui ont été écrits par un soldat
pendant la première guerre .»
-Ah,
Maman m'a donné les cahiers de Paul Braconnier ? C'est cool ça, je
les ai jamais lu. On a fait une session Braconnier au temple quand
j'étais ado, Maman avait trouvé pas mal d'actes de naissance. »
Il
s'est assis à côté de moi, sur le tas « poubelle » et
il a ouvert un des cahiers.
La
télé en fond sonore, j'ai repris ma lecture.
J'avais
un peu de mal à déchiffrer, l'écriture était fine et allongée.
Le type parlait des nouveaux camarades rencontrés, d'apprentissage,
de déplacements. Entre deux pages une fleur séchée attendait qu'on
la cueille.
Je
survolais, je m'arrêtais de temps en temps. Parfois des faits, des
simples faits tout nus et un peu ennuyants, à d'autre moment on
voyait qu'il avait un peu plus de temps pour écrire et les détails
étaient plus nombreux.
David
s’interrompit : « C'était un poète en faite, j 'en
suis à un passage où il y a une espèce de soirée de talents entre
soldats, il y a lu un poème qu'il a écrit, je te lis un passage :
Et
ce poing qui se crispe ? Est ce contre Dieu lui même ?
Dieu
permet-il qu'on meure ici dans un blasphème ?
Est
ce un élan religieux
Qui
fit surgir ces mains, là bas, sur l'herbe rase,
Sorte
d'envol fougueux arrêté dans l'extase,
Essor
mystique et radieux ?
-j'imagine
que ces poèmes devaient parler d'autre chose que de mort avant qu'il
ne devienne soldat, c'est un peu macabre quand même...
-C'est
un peu le sujet, oui. Le poème s’appelle « les mains des
morts », il l'a écrit un an après avoir été appelé.
J'imagine qu'il a eut le temps de voir suffisamment de trucs
horribles pour changer d'état d'esprit. »
On
a lu un peu encore et puis on est allé se coucher. Dans le lit, j'ai
demandé « Qu'est ce qu'il a fait après la guerre, Paul
Braconnier ?
-Oh,
je n'en sait rien... ». David s'est endormi après un baiser
mais moi je ne trouvais pas le sommeil.
Je
me suis relevée sans faire de bruit, j'ai pris les carnets et la
liasse de papiers et de photos et je suis allée dans le canapé.
C'était
fou comme c'était absorbant. Je lisais et sans le voir venir je me
trouvais happée dans l'univers du soldat Braconnier. Quand il en
avait le temps, il prenait le temps de décrire, de raconter. Son
poème terrible m'avait définitivement persuadé que Paul était un
littéraire, un vrai. J'avais froid pour lui quand il parlait des
veilles de nuit, je voyais le reflet de la lune dans l'eau quand il
décrivait les moments de travail silencieux dans les tranchées, je
m'étonnais de connaître la signification de tous les mots de sa
liste d'argot poilu, des mots tout nouveaux pour lui, mais qui
avaient fait leur place dans le langage courant (avoir les foies, le
pinard, la gnôle...)
Le
4 Septembre 1915 il écrivait :
« Un
décor particulier pour le travail de nuit :
On
y arrive par un interminable boyau : bien fait, large, tortueux,
avec un plancher en bois, des gabions et des claies pour masquer les
hommes à la vue de l'ennemi, un petit pont dessus un ruisseau et une
fontaine, et de nombreuse bêches sur la terre gluante des talus. La
nuit est froide et pluvieuse. Dans les boyaux, il ya cinq centimètres
d'eau que les hommes essayent de vider avec de longues pelles de
bois. C'est à peu près impossible. On continu sans rien voir,
certains sont allongés dans l'herbe ou dans le bois, malgré le
froid et l'humidité. Il était inutile de faire sept kilomètres
aller et sept kilomètres retour pour faire si peu de travail ? »
Un
peu après, il écrivait :
« Nous
travaillons de nuit dans le même décor que les jours précédents.
Tandis que je fais vider un boyau, une balle perdue vient tomber avec
un son mat dans la glaise, à mes pieds à 2 mètres, alors que
j'entends son zézaiement aigu et perfide. »
Je
tournais les pages, sautais des passages quand c'est trop mal écris.
J'essayais de lire entre les lignes pour comprendre qu'est ce que la
vie de cet ancêtre avait pu être, est ce qu'il avait une
amoureuse ? A 22 ans, apparemment, il n'était pas marié. De
qui, dans la famille, était-il l'arrière-arrière-grand-père ?Il
parlait de ses parents, d'une sœur, Louise et de deux frères, Jean
et Henri.
Dans
la famille de David on faisait de la généalogie, on listait des
noms sur des petites feuille de papier, on faisait des sessions au
temple tous ensemble, avec les ados, les grand parents, les oncles et
tantes, mais derrière tout ces noms je me rendais compte que je ne
connaissais rien de leur vie. Parfois un métier sur un acte de
mariage, rarement plus. Et tout d'un coup j'avais le quotidien d'un
de ces noms sous les yeux, ça devenait plus que des dates et une
moustache sur une photo (mais en même temps, vu l'imposante
moustache je comprenais qu'on puisse résumer à ça : « Paul
Braconnier, le moustachu c'est ça ? » Non, Paul
Braconnier, le poète, le volontaire, le patriote, le grand
lecteur...) Il faisait des résumés de bouquins dans son journal de
guerre!! Genre, sur son temps libre il lisait, et moi je lisais le
résumé...
Le
1er mars 1916 il écrivait :
« Nous
devons partir ce soir 1er mars.
Où
allons nous ?
Le
danger de la percée allemande semble conjuré, mais sans doute
aurons nous de terribles bombardements. On passe, paraît-il , 48
heures en 1er ligne, autant en 2ème et autant en 3ème.
Quels
sont ceux qui n'en reviendront pas ?
Chacun
de nous est une parcelle de cette poussière qu'est une armée,
parcelles sans valeur, sans poids dans le système. Notre situation
est anonyme. Nous n'avons pas plus d'importance que tel ou tel ;
que chacun de ceux qui sont morts et qui n'arrêtent même pas notre
attention, de même que tel guerrier des plus vagues époques
historiques. Il faudrait se considérer objectivement. Notre douleur
est individuelle et subjective. »
Voilà,
c'était exactement ça, la somme de tout nos ancêtres, on la
survolait en lisant une liste de dates et de noms, de toute façon
ils étaient tous morts. Mais on ne pensait pas à chacun d'eux comme
des individus uniques, avec une vie aussi riche et complexe que nos
contemporains. « Paul, tu lis dans mes pensée »,
me dis-je.
Et
je tournais la page. Vide. Rien. Ni sur celle là, ni sur la
suivante. C'était les derniers mots écris sur le sixième carnet.
Mince,
où était la suite? J'ai retourné le tas de document, j'ai regardé
les cartes postales qu'il avait envoyées à ses parents, et mon
regard est tombé sur un papier officiel avec cachet, annonçant:
« avis
de décès.
Paul
Braconnier, mort pour la France le 8 Mars 1916, à Vaux, tué à
l'ennemi. »
Un
vertige m'a pris. J'ai repris le sixième carnet et j'ai relu la
date. Le 1er Mars 1916, une semaine avant sa mort. La carnet était
bien fini, il n'y avait pas d'erreur. C'étaient ses derniers écris.
Ces derniers écris où il disait « Où allons nous, combien
d'entre nous reviendront ? ». Ces dernières lignes où il
s’interrogeait sur la somme anonyme des morts, juste avant d'être
à son tour englouti dans la masse de l’immense boucherie de la
bataille de Verdun.
Je
suis retournée dans la chambre, et bouleversée, j'ai chuchoté à
mon mari « David, David, réveille toi, Paul est mort !
Paul Braconnier est mort ! »
La
voix endormie il m'a répondu « Mais bien sur qu'il est mort, ma
chéri, il serait plus que centenaire aujourd'hui. »
Les
larmes aux yeux je lui ai dit « Non David, il est mort. Il est
mort pendant la bataille de Verdun. Il n'est jamais rentré chez lui,
il n'a jamais eut d'enfants, il n'est pas ton ancêtre parce qu'il
n'a pas de descendants. »
David
s'est assis dans le lit, il m'a prise dans ses bras, et ensommeillé
il m'a dit « Paul Braconnier était l'oncle de ma grand-mère,
c'est son petit frère, Henri, celui qui est resté à la maison
parce qu'il était trop jeune pour être appelé, qui est mon
arrière-grand-père. »
Je
l'ai laissé se rendormir, je suis retournée au salon. J'ai rangé
tous les papiers, j'ai inspiré un grand coup en repensant à ce
moustachu maigrichon et j'ai refermé la boite bleue. J'ai ré-enterré
Paul Braconnier dans un carton de déménagement, fermé au gros
scotch marron. Et j'ai coché dans ma tête un huitième carton.
Parce qu'il n'y a pas dix
milliards de façon de préparer un déménagement.
Prologue :
Les
extraits de carnets existent réellement, ils ont été écris par F.
B., mort à Verdun, quelques jours après avoir écrit le dernier
extrait, qui, étant ses dernières lignes sonnent étrangement
prophétiques. C'était un homme courageux. Ses derniers actes lui
ont valu la citation suivante :
« Blessé
à la figure, n'a pas hésité, malgré un bombardement extrêmement
violent, à déterrer des hommes de son unité ensevelis dans les
tranchée. Blessé de nouveau, s'est rendu lui-même au poste de
secours »
il
est mort des suites de l’hémorragie causée par sa blessure.
Les
carnets ont été envoyés à sa famille par le meilleur ami de F.,
en permission le jour de cette bataille, permission qui lui a
probablement sauvé la vie.
F.
B. est le frère de l'arrière-grand-père de mon petit ami, j'ai pu
lire ses textes, que j'ai trouvé passionnants, grâce à un membre
de sa famille, amateur de généalogie bien que non membre qui a
compilé tous les documents récupérés (cartes postales, photos,
lettres, journal).
- C'est une réaction allergique.
Le médecin avait déclaré ça d'un
ton joyeux. Pensez-donc, on venait de poser un diagnostique. Il y
avait de quoi se réjouir. On ne connaissait pas de traitement, on
ignorait même si c'était mortel ou bénin. Mais au moins on savait
ce que c'était.
Amélie était venue en consultation
pour une sensation de brûlure persistante aux yeux. Après une série
d'examens chez l'ophtalmologue qui n'avait rien donnée, son
généraliste avait fini par lui demander de raconter précisément
ce qui amenait les crises. Le verdict était tombé : Elle souffrait
d'une allergie sévère au témoignage et s'était vu prescrire une
interdiction de témoigner. Sevrage total. C'était bien embêtant,
parce qu'elle venait d'être appelée à l'école du dimanche et que
dans le manuel, il était marqué que l'instructeur devait rendre son
témoignage.
Comme tout alergique, Amélie
avait recherché des alternatives. Elle avait tenté le témoignage
très bref, le chuchoté, celui qui commence par "cette semaine,
j'ai vu à la télé". Peine perdue. Même celui qui prétendait
que c'était arrivé à une très bonne amie lui provoquait de
violentes crises de larmes. C'était très embêtant.
En désespoir de cause, elle
avait consulté un alergologue qui lui avait proposé un traitement
de desensibilisation. Cela consistait à lui administrer tous les
jours une toute petite dose de témoignage.
-Voici votre flacon pour le
premier mois, dit le médecin en lui tendant la substance.
Dans une bouteille de verre
fumé se trouvait le précieux liquide.
-Faites bien attention,
c'est un poison violent. Du témoignage ultra concentré ! Ne
dépassez surtout pas la dose prescrite. Une goutte, pas plus !
Précisa-t-il, s'assurant qu'elle avait bien compris.
Amélie rentra chez-elle, le
coeur léger. Il y avait un espoir.
-C'est un
labo Suisse qui fait ça. Ils font des prélèvements les derniers
jours d'EFY, ensuite ils centrifugent pour qu'il ne reste que
l'essenciel. C'est ultra, ultra violent, expliqua Marie en rangeant
son médicament tout en haut de la porte du frigo. Vous n'y touchez
pas, sous aucun prétexte !
Son mari
opina, son fils agita gravement la tête, sa fille acquiéça.
La maison
était silencieuse, Amélie profitait que ses enfants dorment encore
pour prendre son petit déjeuner. Touillant son chocolat chaud, elle
relisait la notice de son flacon. Les effets secondaires étaient
aussi nombreux et effrayants que pour n'importe quelle boite de
cachet digne de ce nom. Palpitation, perte de mémoire, euphorie,
syndrome de "je vous aime tous" pour le principe actif.
Que des symptômes déjà connus du témoignage. La partie qui
concernait les exipiants était déjà plus exotique. Eruption
cutanée (Acné), fatigue chronique, rires hystériques, état
fébrile, déséquilibre hormonaux... La liste de ce qu'il en
coûtait d'extraire du témoignage de Jeune Gens/Jeune Filles n'en
finissait pas.
Amélie
hésita un instant, puis, déterminée, elle prit sa dose du jour, la
laissant fondre sous la langue. Cinq ans de ce manège. Il fallait
prier pour qu'aucun des effets indésirables ne se manifeste.
-Docteur,
c'est terrible, je ne supporte pas du tout le traitement, s'exclama
Amélie, un mois seulement après.
Se
voulant apaisant, le médecin la laissa s'asseoir et déballer sa
journée, en lui assurant qu'ils trouveraient une solution.
-J'ai
trente-cinq ans, je suis mariée, mère de deux enfants... Je ne peux
pas être une groupie de missionnaire ! Vous rendez-vous compte de
l'image desastreuse que je donne ?! Elder machin, que vous êtes
drôle. Elder Bidule vous êtes amazing ! En plus je passe mon temps
à tripoter mes cheveux. Ce n'est pas simplement ridicule, ça les
rend très très gras.
Remontant
ses lunettes, il détailla la notice que lui avait tendue Marie. La
drague de missionnaire faisait effectivement partie des effets
indésirables de l'exipiant.
Au moins,
ce n'était pas la subtance active qui était mal tolérée.
-Nous
allons changer de produit. En attendant, demandez à votre mari de
porter une plaque de missionnaire, ça devrait pallier à votre
addiction.
Roger
sembla très peu goûter de devoir porter la plaque "futur
missionnaire" de son fils cadet. Sa femme ne lui parlait plus
qu'en englais, et l'imaginait extrêmement humilié. Elle-même
aurait aimé pouvoir invoquer les montagnes pour qu'elles lui tombent
dessus tant elle avait honte. Tout rentra dans l'ordre cependant,
grâce au nouveau concentré de "témoignage de missionnaire
muté". Beaucoup plus sobre.
Six mois
avaient passés. Carine, la cinquantaine, s'installait dans le
cabinet du médecin que lui avait conseillé Amélie.
-Je peux
la comprendre, ce n'est pas sa faute la pauvre. Pas de témoignage,
alors, elle compense comme elle peut. Mais elle en inonde la
paroisse. A chaque leçon ! Une citation, une photo, un extrait de
discours, ... Elle n'en rate pas une. Je n'ose même pas prononcer le
mot, ça le met dans un état monstrueux.
-Bon, je
vais l'observer. Vous le sortez de son sac ? Le mieux c'est de le
voir pendant une crise, vous en avez un ?
-Ah non,
je les ai tous jetés, par sécurité.
Le
médecin farfouilla dans un tiroir, puis, brandissant un petit
post-it, il déclara :
-J'en ai
un ! Alors mon grand, tu ne supportes plus les marques-pages ?
Le livre
de mormon couina lamentablement et tenta de fuir.
-Allez,
tout doux. Regarde, je le range. Voilà, il a disparu.
-Alors,
c'est grave ?
-Un cas
typique...
Le
médecin sortit une ordonnance, griffona le nom de quelques
anti-staminiques, puis tendit la feuille, déclarant :
-C'est
une réaction allergique.
Cérémonie
Pour
elle, tout était parfait. Les fleurs blanches et roses dégageaient
un parfum si doux, et l’arrangement choisi par sa cousine fleuriste
mettaient la chapelle en valeur, sans toutefois être trop présentes.
Le soleil dardait ses rayons à travers les vitres et réchauffait
les épaules, illuminant les livres de cantique qui étaient déposés
sur les bancs, prêts à être utilisés par l’assemblée pour
chanter ses hymnes favoris. L’organiste, la pianiste et quelques
autres musiciens avaient une discrète dernière répétition dans le
coin gauche de l’estrade, tandis que sur la droite l’évêque et
ses conseillers accueillaient les nouveaux arrivants.
Julianne
observa quelques minutes la salle depuis l’entrée de service, sans
que personne ne s’aperçoive de sa présence, puis se décida à
rejoindre la pièce attenante où sa sœur Sarah finissait d’habiller
et de coiffer Léon. Dans son beau costume tout neuf, il était
magnifique. Elle eut l’impression d’être ramenée au jour de
leur rencontre, un soir d’été dans le jardin du Luxembourg.
Il
marchait d’un pas pressé, sûr d’arriver en retard pour assister
à la Première d’une pièce de théâtre à l’Odéon, quand il
avait trébuché sur le trépied de son appareil photo. Il n’y
avait pas eu de dégâts matériels. Juste un jeune homme rougissant
et une jeune fille timide qui n’osaient se parler ni se quitter des
yeux. Il l’avait aidé à ranger son matériel de photographe et
l’avait complimenté sur le choix de celui-ci. Julianne avait
découvert que le bel inconnu était aussi photographe, mais simple
amateur alors qu’elle était déjà une professionnelle. Son prénom
l’avait fait rire. Elle avait toujours associé Léon à « lion »
et l’homme aux cheveux blonds-roux et bouclés, avec ses lunettes
carrées, lui apparaissait plutôt comme un cocker que comme le
seigneur de la savane.
De
rendez-vous en balades, ils avaient commencé un album commun, et un
projet d’exposition conjointe était également né. Le dernier
jour, alors que la galerie se vidait de ses derniers visiteurs, Léon
avait donné une photo à Julianne. Dessus, deux mannequins dans une
vitrine : un costume gris clair et une robe de mariée blanche
en dentelle et soie. Elle avait pris son appareil photo, avait écrit
sur une feuille qui trainait « Oui » et puis avait pris
un cliché. Le mariage fut fixé pour l’anniversaire de leur date
de rencontre.
Un
bruit sourd tira Julianne hors de ses souvenirs. Un petit garçon
venait de refermer assez brutalement un piano dans une des salles
voisines. Laissant Léon et Sarah à leur discussion, Julianne décida
de se promener dans les couloirs au milieu de ses amis. Elle vit du
coin de l’œil le petit Gabriel, près du piano, se faire sermonner
par sa mère. Ah, comme elle était heureuse de ne pas avoir
d’enfants aussi énergiques que celui-là.
Un
peu plus loin, elle croisa ses deux conseillères. Etre Présidente
des Jeunes Filles de sa paroisse n’était pas de tout repos, mais
elle n’aurait refusé son appel pour rien au monde. Pouvoir
partager ses connaissances avec ces adolescentes, les faire rire lors
d’activités, les aider dans ces années si difficiles où les
choix qu’elles doivent prendre ont tant d’importance pour leur
avenir, tout cela (et bien d’autres choses encore) étaient une
merveilleuse opportunité pour elle de s’améliorer et de se
découvrir des talents. Si à 14 ans sa mère lui avait dit qu’elle
apprendrait un jour le crochet, elle aurait certainement levé les
yeux au ciel. Et pourtant, pour une brunette aux yeux verts qui
voulait absolument confectionner des habits pour les futurs bébés
de ses sœurs et belles-sœurs, elle s’y était mise. Toutes les
deux, elles avaient travaillé et au bout de trois mois, elles
avaient pu fièrement présenter au reste de la classe leur première
paire de chaussons. Depuis, Clarisse et elle étaient surnommées les
« Crocheteuses ». Pas une seule naissance sans une de
leurs créations !
En
parlant de Clarisse, où pouvait-elle bien être ? Elle ne
l’avait pas vu parmi les musiciens. Pourtant elle devait jouer de
la flûte traversière, c’était prévu ainsi ! Julianne hâta
ses pas, à la recherche de sa jeune amie. Rien dans la salle de jeux
au sous-sol, ni à l’étage, nulle trace de Clarisse dans le jardin
ou sur le parking. Inquiète, Julianne repris la direction de la
chapelle.
Lorsqu’elle
entra dans la salle principale, elle s’aperçu que la cérémonie
allait commencer. Léon était au premier rang, assis à côté de
Sarah. Clarisse était au pupitre, prête à jouer le morceau
qu’elles avaient tant de foi interprété ensemble. Dès les
premières notes, les proches de Julianne se saisirent de mouchoirs.
Clarisse retenait difficilement ses larmes. Heureusement pour elle,
la pianiste avait pris le relais pour deux couplets. Le morceau fini,
Clarisse s’approcha du micro et s’adressa à l’assemblée :
« Avant
de laisser la parole à Carole Periaux pour la prière d’ouverture,
je souhaitais préciser que je ne jouerais plus jamais le cantique Je
rencontrais sur mon chemin.
Julianne et moi l’avons appris ensemble, joué ensemble et
maintenant, il m’est impossible de souffler ces notes-là dans ma
flûte sans elle à mes côtés. Elle m’a aidé lorsque j’étais
perdue dans les méandres de mon adolescence, elle m’a encouragé à
ne pas baisser les bras, à développer mon potentiel de Fille de
Dieu… Elle a été une seconde mère pour moi qui ait perdu la
mienne très jeune. Cette cérémonie est pour elle et pour chacun
d’entre nous afin de garder à jamais sa bonté et son charisme
dans nos cœurs. Merci. »
Les
larmes qui coulaient sur les joues de Julianne se mêlaient au
sourire resplendissant qu’elle adressait à la jeune femme. Elle
était si fière d’elle, de la femme studieuse, douce, endurante et
sensible qu’elle était devenue. Non, elle n’était pas sa mère,
d’ailleurs la différence d’âge n’était pas assez grande pour
qu’elle le soit. Mais le lien qui les unissait s’y apparentait
pourtant. Un grand avenir s’ouvrait devant elle et elle savait que
Dieu rendrait ses pas fermes et sa main tendre pour avancer sur le
chemin qu’elle avait choisi. Oui, intégrer un prestigieux
orchestre allait être une grande bénédiction pour elle et pour
tous ceux qui allaient découvrir son talent.
Perdue
dans ses pensées, elle n’entendit même pas son amie Carole prier,
ni même l’évêque adresser un discours. Ses yeux se posèrent sur
le nouvel orateur : son ami Patrick, son confrère de
reportages, son soutien dans les moments de doutes professionnels,
celui qui avait mis six ans à admettre que les sentiments qu’il
éprouvait pour la sœur de sa meilleure amie étaient plus que
amicaux… Pfu ! Mais quels empotés ces deux-là, en y
songeant ! La voix tremblante de Patrick narrait les bons
moments qu’ils avaient passés ensemble et sa reconnaissance pour
cette petite boule d’énergie à la timidité maladive, qui avait
su surmonter ses frayeurs pour évoluer et devenir une femme
respectée dans le monde du journalisme et de la photographie. Il
montra un portrait de Sarah et lui que Julianne avait réalisé lors
de leur mariage, trois ans plus tôt. Il expliqua combien cette photo
lui était précieuse, car avant elle, il n’avait jamais su être à
son avantage sur un cliché. Pour un photographe, c’était tout de
même rageant… Julianne gloussa à la mention de ce trait
particulier de son ami.
L’orchestre
joua Tu
éclaires le chemin,
deux autres proches de Julianne adressèrent quelques mots puis vint
enfin le tour de Léon. Digne, serein, il ne dérogea pas à sa
règle de conduite pour tous ses discours : « Droit au
but, droit au coeur ».
« Julianne
était, est, et sera toujours mon rayon de soleil et de lune. Son
sourire et sa joie de vivre illuminaient mes jours. Sa tendresse et
sa ténacité m’ont évité bien des nuits de déprimes lorsque mes
problèmes de santé ont commencé. Je pensais partir avant elle.
Encore une fois, elle a été plus espiègle que moi. Je n’ai
aucuns doutes qu’elle se trouve près de Notre Père Céleste, à
nous encourager à aller de l’avant et à continuer nos vies. Je
ne sais pas quand je pourrai, quand nous pourrons, la revoir de
nouveau. Peu importe la date, nous nous devons de poursuivre notre
chemin et préserver l’héritage qu’elle nous a légué :
son œuvre de photographe, sa générosité, et son témoignage de
l’Evangile. Nous étions un couple « bien dans sa vie »
au début de notre mariage, et depuis notre rencontre avec l’Evangile
de Jésus-Christ, nous avons été un couple heureux et ce, malgré
les épreuves traversées. Elle a été la première à vouloir se
convertir, et comme elle avait toujours raison (même si j’avais
beaucoup de difficultés à le reconnaitre), j’ai vite suivi. Nous
n’avons jamais regretté notre décision. Aujourd’hui, je peux le
dire avec encore plus de certitude : Dieu m’a bénit bien plus
que je ne l’aurais imaginé, en me permettant de rencontrer
Julianne et d’avoir vécu à ses côtés pendant seize
merveilleuses années. »
Léon
baissa les yeux vers le cercueil de merisier qui contenait son
épouse. « A bientôt mon Amour. Fais preuve de patience, tu
sais combien j’ai tendance à être en retard pour tous les grands
évènements de ma vie. » Julianne sourit, amusée. Né
dix jours après terme, un quart d’heure de retard le jour de
l’oral du bac de français, de même que le jour de notre
rencontre, sans oublier le mariage où l’adjointe du maire était
passablement agacée d’avoir dû chambouler l’ordre des mariages
parce que tu étais coincé dans les embouteillages… Ah, ça, tu
n’en rates pas une… sauf aujourd’hui. Tu as été ponctuel. Tu
as fait des efforts pour être à cheval sur les horaires comme je le
suis. Merci mon amour…
Il
regarda à nouveau la foule : « Merci d’être venus pour
rendre un dernier hommage à ma bien-aimée Julianne. Puisse Dieu
nous aider à garder son souvenir intact dans nos mémoires et nos
cœurs. »
A
pas feutrés, Julianne s’avança jusqu’au banc où était assise
sa sœur. Elle lui chuchota à l’oreille « Je serais toujours
là petite sœur. Nous nous reverrons un jour, comme nous nous
l’étions promis. Je t’aime. » Puis elle lui effleura la
joue. Sarah étouffa un sanglot et porta sa main à son visage.
Patrick la pris dans ses bras pour la réconforter.
« Chéri,
elle est là. Elle m’a dit au-revoir ! » Un sourire
mouillé se dessinait sur ses lèvres. Mais Julianne ne l’entendait
déjà plus. Son temps était écoulé. La cérémonie était finie,
elle savait que les secondes étaient comptées avant de retourner
dans la douce atmosphère des cieux. Elle se planta devant Léon,
imperturbable malgré les personnes qui passaient au travers d’elle,
frissonnant à son contact sans savoir pourquoi. Sa main gauche
caressa ses cheveux tandis que la droite se posa sur son costume,
juste au-dessus du cœur. Il retint son souffle, puis murmura, les
yeux dans le vague : « Julianne ? » Sur la
pointe des pieds, elle déposa un baiser sur ses lèvres. « A
bientôt mon Lion adoré » murmura-t-elle au creux de son
oreille. Une larme coula le long de la joue de son époux, il l’avait
entendu.
Se
sentant partir, elle se tourna vers la salle. Une main sur son
cercueil, elle poussa un soupir de soulagement. La vie allait
reprendre pour sa famille et ses amis. Léon la rejoindrait dans peu
de temps selon ses sources (les plus fiables qui soient !) et
ils pourraient continuer leur histoire pour l’éternité. Oui, en
cet instant, c’était certain. Pour elle, tout était parfait.
Le long de la Carlson
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Des cendres. Voilà
tout ce qui restait de leur feu de camp de la veille. Intérieurement,
David Barton pesta car son compagnon avait visiblement négligé son
tour de garde, et avait fini par dormir. Il s'ébroua et s'étira en
baillant. Plus qu'une journée de marche pour atteindre Dayton, dans
la vallée de la Carson.
Tout avait
commencé lorsque Flint les avait virés, John et lui. La vie de
cowboy n'est pas des plus agréables, mais 1$ par jour reste mieux
que rien. S'ajoutait à cela un sentiment d'amère injustice, que les
deux jeunes gens n'arrivaient pas à digérer. Le vol des vaches
était sûrement un coup des gars de Tamer, mais Flint n'avait rien
voulu savoir.
Alors John avait
proposé qu'il aillent tenter leur chance en Californie. Ils
n'étaient pas plus bêtes que les autres, et sauraient bien extraire
suffisamment d'or de cette terre ingrate pour faire fortune. C'était
bien une idée à la John Tallys, ça. David jugea qu'ils
n'arriveraient en Californie qu'au prix d'un voyage long et
dangereux, au terme duquel il faudrait sans doute se battre pour se
faire une place ; la concurrence y serait certainement dure.
C'est à se moment
là que David se remémora une lettre reçue de Josh ; un bon
copain, ce Josh, débrouillard et bagarreur, et intelligent avec ça.
Depuis qu'il avait rejoint les mormons, David ne l'avait pas revu,
mais il recevait de temps à autre un courrier de lui. Le dernier en
date relatait son départ dans une expédition pour le moins
hasardeuse, et l'hiver qu'il avait dû passer au pied des Rocheuses
avec ses coreligionnaires. Il disait avoir trouvé de l'or dans la
rivière Carson, et qu'ils étaient bien les seuls à avoir dressé
un camp à cet endroit ; pas de casse-pied en vue. Mais Josh
annonçait quand même la volonté des dirigeants du groupe de passer
les montagnes une fois les beaux jours revenus.
« Qu'il est
bête, ton copain mormon!», s'était exclamé John. « Quand on
trouve un filon, on ne le lâche pas. T'as bien raison, en route pour
la Carson. »
Un voyage long et
pénible les attendait, avec de nombreuses haltes où ils s'étaient
vendus comme journaliers pour financer leur expédition. David avait
découvert des facettes inconnues et légèrement malhonnêtes de son
associé, et s'était parfois demandé s'il pouvait vraiment lui
faire confiance, mais il avait toujours remis les décisions à plus
tard et se laissait porter par leur objectif commun.
Ils arrivèrent
enfin à Dayton, petite ville construite sur la Carson River, et
John voulut immédiatement célébrer la fin du périple et leur
prospérité future en se rendant au Dark Eagle Saloon, lieu
de perdition non loin de la rue principale.
Ils se joignirent
à une table de poker, où les deux compagnons bénéficièrent d'une
chance prodigieuse. Leurs adversaires abandonnèrent un à un le
jeu : Phil, un notable bien mis, fut le premier à s'éclipser
prudemment, peu après suivi de Tom, bûcheron de son état, qui
partit d'un pas rageur. Il ne restait plus en lice qu'un indien
dénommé Rowtag, qui ne tarda pas à perdre l'intégralité de ses
possessions. L'ambiance commençait à être malsaine, et David se
sentait un peu mal à l'aise ; il avait de la compassion pour
cet homme, malgré le vif plaisir qu'il éprouvait à se sentir
soudainement en fonds. Pour détendre l'atmosphère, il alla
commander une tournée au patron du bar.
Quand il revint à
la table, l'indien était en train de demander une dernière chance à
John, lui proposant de miser un objet d'une grande valeur contre
toutes ses pertes. L'homme déposa sur la table un paquet de chiffons
crasseux, qu'il dénoua en jetant des regards furtifs autour d'eux.
Il ne défit pas entièrement l'enveloppe de tissus, se contentant
d'en écarter brièvement un pan de sorte que David et John puissent
se rendre compte qu'il s'agissait d'un bloc de minerai massif
présentant de très nettes traces d'or. Un sentiment étrange
s'empara de David, un mélange d'exaltation devant ce qui pouvait
être une preuve de l'existence d'un filon aurifère dans la région,
et d'angoisse indéfinissable. John accepta sur le champ la
proposition de Rotwag, et les cartes furent rebattues. Curieusement,
la chance tourna pour David ; il put également constater à sa
mine que John ne devait pas avoir une bonne main non plus. Finalement
et contre toute attente, John gagna. David et lui empochèrent
rapidement leurs gains et se dirigèrent vers la sortie, quand
l'indien les accusa d'avoir triché. Aussitôt, John franchit la
porte en courant ; David n'eut pas le temps de réfléchir et se
mit à courir sur ses traces, tandis que le saloon s'ébranlait comme
un seul homme à leur poursuite.
C'est haletant et
baignés de sueur qu'ils arrivèrent à la lisière de la forêt qui
entourait Dayton. Ils voulurent croire avoir semé leurs
poursuivants, mais décidèrent de ne pas prendre de risque, et
s'enfoncèrent dans la sombre futaie qu'une lune maigrichonne
arrosait de sa blême clarté. John et David suivirent une sente
sinueuse, au bout de laquelle ils trouvèrent une clairière où un
cabanon miteux les attendait providentiellement. Les deux hommes s'y
réfugièrent à bout de forces.
Au lointain, les
aboiements des chiens, les cris des hommes à leurs trousses.
L'inquiétude d'être retrouvés gagnait David, elle l'immobilisait,
le poussait à se terrer davantage dans l'espoir futile de passer
inaperçu. Ses entrailles étaient de plomb, et une forte envie
d'uriner l'oppressait. De son côté, John s'était collé à
l'unique vitre crasseuse et fissurée, tentant de voir venir leurs
éventuels assaillants, et l'idée qu'on puisse l'apercevoir
contribuait au stress de David.
D'un coup, la
monotone symphonie nocturne des bois s'interrompit, laissant place à
un silence assourdissant, brisé sporadiquement par les chiens à
leur recherche à plus d'un mille de là. Une ombre couvrit la
clairière, plongeant la cabane dans l'obscurité ; quelque
chose approchait, David en était sûr, même s'il ne savait auquel
de ses sens attribuer cette certitude : l'imperceptible
bruissement des fourrés ou les légères vibrations du sol, ou
encore ce sentiment oppressant qui lui coupait le souffle. Il intima
à John de se cacher, mais ce dernier ne réagit pas. Il semblait
concentré sur ce qui allait se passer, accoudé à la porte dans une
posture figée.
Les pas de
l'invisible présence semblaient continuer, établissant un parcours
circulaire autour de la clairière. David réussit à trouver le
courage de se relever pour aller chercher John, qui ne répondait
toujours pas à ses appels. Il traversa l'espace infini qui le
séparait de son comparse comme un funambule au dessus des lions, et
finit par toucher son épaule. Comme John ne remarquait pas ce
contact, David tenta de le secouer puis de le pincer. Rigide. Froide.
L'épaule de John paraissait de pierre. Affolé, David tenta de
pousser son ami ; la panique le gagna lorsqu'il se rendit compte
qu'il n'y parvenait pas, comme si John avait littéralement pris
racine. Décidé à venir en aide à son ami, David rassembla ses
forces, prit de l'élan et pesa vigoureusement contre lui. Alors John
bascula, David par dessus lui, et, comme si un enchantement s'était
brisé, la lueur de la lune leur parvint à nouveau et les bruits
nocturnes de la forêt reprirent.
Combien de temps
avait duré cette situation, David n'aurait su le dire, mais sûrement
plus longtemps qu'il ne paraissait, puisque les poursuivants avaient
abandonné, ou s'étaient fourvoyés, car on n'entendait plus leurs
chiens. John avait l'air inconscient, mais bien vivant, et David
risqua un regard prudent par la fenêtre, mais ne remarqua rien,
sinon que l'aube était sur le point de se lever.
- Tu as trop bu, c'est tout !, s'exclama John.
- Je t'assure que ce que je n'ai rien inventé, et tu avais plus bu que moi, protesta David.
- Arrête ton cirque, j'ai bien surveillé, les villageois de Dayton ne nous ont pas trouvés, et ensuite on est allés se pieuter. Une chance que j'ai trouvé cette bicoque !
- Bon, c'est comme tu veux, je vois bien que tu ne veux pas m'écouter, tu n'es qu'une tête de mule ! En attendant, que fait-on ? On ne peut plus se pointer à Dayton...
- On va compter nos gains d'hier, et puis on ira un peu plus au nord ; il y aura sans doute une autre ville, et on se rapprochera du filon, à coup sûr.
Les gains
formaient une coquette somme, plus élevée que tout ce qu'ils
avaient réussi à amasser par le passé, et suffisante pour se
lancer hardiment dans l'exploitation d'une mine. Si toutefois John
parvenait à ne pas tout dépenser avant. Enfin, les deux amis
décidèrent d'examiner le paquet qu'ils avaient réussi à arracher
à Rotwag. David refusa de le toucher, car cela lui inspirait une
répulsion instinctive.
Les chiffons
défaits, John exhiba une pierre grisâtre avec les veines d'or pur
qu'ils avaient remarquées la veille. Sans surprise, la pierre en
elle-même représentait pas mal d'argent, mais sans doute un peu
moins que ce que l'indien avait sous-entendu. John manipula la
pierre, la faisant rouler sur le tissu brun, et les deux amis
constatèrent avec étonnement que la pierre avait été taillée. La
face du dessous était lisse, c'était sans doute un morceau d'une
sculpture. Peut-être cela provenait-il d'une statue taillée par une
tribu locale.
David sentit son
estomac se retourner à l'idée qu'ils possédaient un objet
aborigène, car il redoutait les indiens, qui lui inspiraient une
défiance héritée des contes de son enfance et de la sagesse
populaire. John n'avait pas l'air embarrassé d'autant de scrupules.
Il s'amusait à décrypter quel genre de sculpture cela pourrait
être :
- Voyons, on dirait des plumes, oui, c'est sans doute ça. Cela doit être quelque oiseau, ou une coiffe telle qu'ils en portent dans certaines tribus. L'exécution en est très fine, on a l'impression de toucher de vraies plumes, tâte-moi ça, tu vas voir !
- Sans façons, merci !
David n'avait vraiment aucune envie de toucher l'objet, qui le
dégoûtait profondément, sans doute à cause de ce qu'il avait vécu
cette nuit, ou encore parce que son sentiment le mettait sur ses
gardes, ou bien parce qu'il savait que l'objet avait été acquis
malhonnêtement. John, amusé de sa répugnance à approcher l'objet,
s'amusa à le poursuivre avec, et parvint à le toucher à l'épaule.
David dut s'énerver pour qu'il arrête. Enfin, ils se remirent en
route.
Ils ne parvinrent
pas à rejoindre une autre ville ce soir là, mais ils avaient réussi
à pêcher quelques poissons, et établirent leur camp au bord de la
Carson, réunissant suffisamment de bois pour passer la nuit. D'après
ce qu'ils savaient, ils devaient être sur une piste assez
fréquentée, et ils s'attendaient à tomber sur un hameau le
lendemain. Ils se sentaient assez optimistes.
Le soleil s'était
couché depuis quelques heures, mais ils avaient passé un certain
temps à bavarder près du feu. John était allé se coucher, et
David veillait en ruminant de sombres pensées. Il savait qu c'était
une erreur, car il était fourbu, n'ayant que peu ou pas dormi la
veille. Comme d'habitude, John n'en avait pas tenu compte, car ils
était convaincu que le récit de son compagnon provenait d'un rêve,
preuve certaine qu'il avait dormi ne fusse qu'un peu la nuit
précédente.
David s'éveilla.
Il se rendit compte qu'il s'était involontairement assoupi, mais se
demanda ce qui avait pu le tirer de son sommeil. Rien d'anormal ne
troublait la quiétude de la nuit, John dormait profondément. David
se sentit sombrer doucement dans un nouveau somme, car il avait
vraiment besoin de dormir, et il se trouvait dans cet état de
torpeur propre à la phase d'éveil.
Soudain, un cri
jaillit des profondeurs de la nuit, chassant définitivement chez
David toute velléité de se rendormir. Ce cri très étrange,
perçant et rauque, ne correspondait à aucun animal que David ait
rencontré jusque là ; c'était assez proche de celui d'un
oiseau de proie, mais le cowboy n'aurait pu en jurer. Inquiet, il se
demanda s'il devait réveiller John, mais il se sentit un peu
ridicule de le déranger pour si peu. Un autre cri, plus rapproché,
l'incita à sortir son Colt. Il se mit à attiser le feu pour
éloigner l'animal, au cas où ce serait un prédateur.
Le cri suivant fit
naître un sentiment d'angoisse similaire à celui que lui inspirait
le bloc de pierre de Rotwag. Le cri provenait à coup sûr d'un
oiseau, car il venait d'une direction au dessus du camp. David se
précipita pour secouer John, et se rendit compte avec horreur que
son compagnon était figé comme la veille.
Une ombre passa au
dessus du camp, et le brandon de David s'éteignit, tandis que le
foyer perdait en intensité, sans toutefois mourir tout à fait. Au
bord des larmes, David s'accroupit par terre, le cœur serré, prêt
à l'attaque qui lui semblait inévitable. Il entendit des remous
d'air au dessus d'eux, et supposant que la bête s'était assez
approchée, tira trois coups au jugé. John ne broncha pas. David
était plongé dans l'incertitude quant à la conduite à tenir. Il
tenta de réveiller son coéquipier, mais n'eut pas plus de succès
qu'auparavant, puis il récupéra la carabine de John.
Peu après, il
entendit un bruit sourd en amont de la Carson. La bête avait dû se
poser, et elle devait être sacrément grosse. David s'avança un
peu, les mains tremblantes, et mit le feu entre lui et son ennemi. Il
s'accroupit et se mit en position de tir. Il eut la sensation que le
sol tremblait à chacun des pas que faisait la bête, et sentit son
urine chaude ruisseler le long de ses cuisses. Il crut voir quelque
chose, et tira deux coups de carabine, puis la jeta pour assurer ses
futurs tirs avec le Colt. Rien n'indiquait que la chose avait été
touchée.
Enfin, les maigres
rayons de lune éclairèrent suffisamment pour que David put voir
leur assaillant. La chose était effectivement gigantesque, cela
semblait fait de pierre similaire à leur échantillon. Des ailes
pourvues de griffes, un visage inhumain pourvu d'une coiffe de
plumes, et des pattes monstrueuses. David tira ses dernières
cartouches avec l'énergie du désespoir, sans que la bête en
paraisse affectée, et pourtant il était sûr de ne pas avoir pu
louper. C'est alors que la bête poussa un hurlement puissant, et
David se tordit de douleur, terrassé.
Il se réveilla au
petit matin. John avait disparu. Une douleur aiguë traversa David
lorsqu'il se leva au milieu du camp saccagé ; il était
étourdi, ayant du mal à rassembler ses esprits. Sa respiration
était comme encombrée. Le paquetage de John avait était éparpillé,
et David devina que le minerai aurait lui aussi disparu. David se
sentit une nouvelle fois mal, une douleur plus intense encore lui
vint de l'épaule. Il ôta sa chemise pour tâter son épaule
endolorie. Épouvanté, il s'aperçut que sa peau devenait friable
sous ses doigts ; il regarda sa main tandis que la chair de son
épaule s'écoulait inéluctablement en flocons irréguliers. Des
cendres.
J’aime
les coquelicots, ils sont simples, fragiles mais ils sont beaux. Mais
je n’ai pas trouvé de coquelicots pour décorer ma maison, alors
j’ai acheté deux cadres l’un avec des tulipes rouges et l’autre
avec des tournesols jaunes. C’est pas mal non plus. Maintenant que
j’ai planté deux petits crochets dans le mur au dessus du buffet,
je peux admirer mes tulipes et mes tournesols comme deux taches de
couleur sur mon mur blanc. C’est une façon comme une autre de
faire patienter mon désir de vivre dans un « chez moi »
enfin terminé. Cette maison en travaux me sort par les yeux, mais je
n’ai pas vraiment le temps de m’apitoyer sur l’avancée ou
devrais je dire la « non avancée » des travaux. Alison
vient de dévaler les escaliers en criant poursuivis par Jason qui
promet de la faire passer par la fenêtre s’il l’attrape. Comment
ma mère peut elle dire que c’est plus facile lorsqu’ils sont
petits ? De toute façon elle n’est pas là pour me voir
pendant que je cavale toute la journée pour remplir mes tâches de
femme au foyer, d’ailleurs il est où mon foyer ? J’imagine
une vraie femme au foyer, assise au coin du feu le regard perdu dans
le vague entrain de bercer doucement son enfant ou de tricoter une
chaude écharpe pour son mari. Au lieu de cela je suis une femme
échevelée qui ne se pose que pour s’effondrer à pas d’heure
sur son lit, éreintée par une folle journée de plus. Mes quatre
enfants sont une source inépuisable de travail et de joie, beaucoup
de travail et beaucoup de joie ça fait toujours beaucoup. Ce matin
c’est le début de la folle journée du lundi, après le week-end
il faut remettre de l’ordre, laver les draps et faire les courses.
J’ai casé Alison et Jason à l’école primaire je repars donc
avec Chloé et Théo vers le centre commercial avec un grand défi :
ne pas les perdre ! Bon, j’avoue le but premier c’est quand
même de remplir le frigo sans oublier le roulement des réserves
pour s’assurer de ne pas se retrouver en mode pénurie ; je
pourrai même cocher une case de plus dans mon calendrier des
réserves donné par nos zélés instructeurs au foyer. Chloé tient
le caddie et Théo mordille consciencieusement la partie qui reçoit
le jeton. J’essaye de me concentrer sur ma liste pendant que Chloé
tire le pied de son frère assis face à moi dans le chariot ;
évidemment celui-ci se débat et je reçois les coups de pieds
destinés à sa sœur. Je soupire, « arrêtez cinq minutes,
c’est bientôt fini ». Cela ne convainc personne, ni eux ni
moi mais c’est comme un rituel, il faut que j’assure tout le
monde que c’est bientôt fini alors que l’on vient juste
d’arriver. Comme toujours je résiste aux demandes fantaisistes de
ma fille qui voudrait des glaces, une nouvelle robe, des chaussures,
des fraises (c’est pas la saison), bref tout ce qui arrive à
hauteur de ses yeux et achète une baguette viennoise au rayon
boulangerie pour leur « clouer le bec » en fin de
parcours. Ouf ! les courses sont finies, il reste ….tout le
reste. Chloé voudrait que je lui chante une chanson pendant que je
charge la voiture, je lui demande laquelle ; « la vache
savait nager » devient la chanson du moment. Je referme le
coffre, m’assure que tout le monde est bien attaché et commence à
me détendre en la regardant dans le rétroviseur continuer à
chantonner. Elle est si mignonne avec ses boucles brunes et son petit
nez, soudain Théo se met à hurler. Je sursaute, que se passe-t-il
je me retourne (heureusement nous sommes au feu rouge). Chloé a
coincé le menton de son frère en lui remontant la fermeture éclair
de son manteau tout en chantonnant. Mon moment de détente et
d’attendrissement aura été de courte durée. La colère arrive
aussi vite que Jason dans les escaliers ce matin. « Je t’ai
déjà dit de ne pas lui remonter la fermeture éclair, à chaque
fois tu le pinces. Tu es pénible, tu n’écoutes jamais rien,
quand est-ce que tu vas te décider à obéir, à quoi ça sert que
je te chante des chansons pour que tu me mettes en colère en
embêtant ton petit frère» Je m’arrête parce que je sens que je
pourrais continuer encore un moment sur le chapitre et que cela
n’avance à rien. Chloé boude, elle ne l’a pas fait exprès
dit-elle, je ne suis pas une gentille maman, je crie tout le temps.
Le moment de béatitude est bien passé, je me trouve en pleine
crise, Théo pleure, Chloé proteste et moi j’ai honte de m’être
énervée aussi vite. « Qu’est-ce que Jésus ferait s’Il
était à ma place ? » Surement pas passer ses nerfs dans
une litanie de reproches, et si la vache savait nager, je ne savais
assurément pas rester zen dés les enseignements du dimanche
derrière moi. Je n’ai pas le temps de me repentir, il faut
rapidement préparer le repas et garder l’œil sur la pendule pour
ne pas louper l’heure de la sieste, ce moment magique où mes deux
petits redevenus mes anges s’endorment pour un repos bien mérité.
Mais aujourd’hui, mes anges n’ont pas sommeil et la sieste tourne
à l’affrontement. Je menace, je promets, rien n’y fait. La
frustration est là. Je vais donc continuer le ménage avec un Théo
grognon et une Chloé survoltée qui s’ennuie. Je me décide à
faire une prière silencieuse : « Père Céleste, que
veux-tu que je fasse ? »La réponse arrive aussitôt « vas
au parc ». Je n’ai pas envie d’interrompre le rangement
mais je sais que si je pose une question la moindre des choses c’est
d’obéir. Très fière de moi je me décide à laisser tout en plan
pour suivre ma réponse, mais les enfants ne l’entendent pas de
cette oreille : ils n’ont pas envie d’aller au parc !
Je m’efforce de rester calme, de ne pas me sentir rejetée par leur
attitude, de relativiser ce sont des petits, mais la moutarde me
monte au nez. C’est si difficile que ça d’aller au parc ?
Finalement leur résistance s’arrête aussi soudainement qu’elle
était apparue et nous voilà partis au parc. Ils sont contents
d’être là et je recommence à me détendre à les voir jouer
gentiment, je me sens très bénie de pouvoir être là au soleil
d’hiver à profiter de mes enfants qui jouent. L’heure tourne, et
c’est le moment d’aller rechercher les grands. Je n’ai pas
terminé ce que j’avais prévu de faire mais mon moral est remonté
au beau fixe, je me sens bien. Nous arrivons pile à l’heure de
l’ouverture du portail et les petits sont impatients de retrouver
leurs aînés. A peine le bisou donné je remarque que Jason n’est
pas de bonne humeur. « Que se passe-t-il mon bonhomme ? ».
Le bonhomme n’a pas envie de parler, il marmonne quelque chose qui
semble vouloir dire qu’il n’y a rien d’important. J’insiste
sans succès et décide de ne pas ternir nos retrouvailles, je
réessayerai au goûter. Le placard étant plein le goûter est
joyeux, du chocolat, des madeleines. Alison monopolise l’attention
en racontant sa journée, les petits n’en perdent pas une miette.
Seul Jason semble absent, je décide de le prendre à part pour ne
pas risquer que sa sœur s’en mêle ; ils ont le chic pour
s’attraper pour tout et pour rien. Une fois le goûter fini je lui
demande de rester pour m’aider, il n’est pas dupe et se doute
que je veux lui parler. Il me faut des trésors de patience pour
arriver à lui tirer des explications en imaginant mille et une
possibilités : mauvaise note, dispute avec un copain, bagarre,
tricherie. Quand finalement il m’explique la raison de sa mine
contrariée c’est moi qui reste silencieuse. Après avoir parlé à
un copain de sa classe de ce qu’il fait à la Primaire, Jason lui
a proposé de l’accompagner à une activité. Le copain en a parlé
à sa maman le midi. Au retour de la cantine le copain, sa maman et
la maîtresse l’attendaient pour lui parler. Mademoiselle Ticquet
lui a expliqué qu’il ne devait pas parler de sa religion à
l’école, que c’était personnel. La maman de son copain n’a
rien dit mais elle semblait fâchée. Jason est triste, il ne
comprend pas ce qu’il a fait de mal mais il est encore plus triste
pour son copain : « Il ne pourra pas connaître la
Primaire et tout ce que l’on apprend sur Jésus, ce n’est pas
juste. » Je ne sais pas quoi lui répondre, j’ai envie
d’aller voir la maîtresse et lui expliquer que Jason n’a rien
fait de mal, mais j’imagine que cela va aggraver les choses et je
veux surtout protéger mon petit garçon. Ce soir, mon mari a une
réunion à la chapelle, il rentrera tard. Je suis triste toute la
soirée, je ne sais pas quoi faire pour aider Jason. Je me couche le
cœur lourd, le tas de gravas devant ma fenêtre lorsque je ferme les
volets achève de me plomber le moral. Je vois tout en noir, je suis
une mère incapable d’aimer correctement ses enfants et de leur
apporter le réconfort dont ils ont besoin, je m’énerve pour
rien…ce soir ma prière sera courte : « Père Céleste
aide moi à voir la beauté de cette vie. » Je m’endors.
C’est mardi, je me lève fatiguée d’avance de cette nouvelle
journée. Ma morosité de la veille ne m’a pas quittée,
machinalement j’ouvre les volets de ma chambre. Sur le tas de
gravas se dresse un coquelicot, je m’arrête et le contemple. Merci
Père Céleste de me montrer la beauté même sur un tas de gravas,
surtout sur un tas de gravas. J’aime les coquelicots, ils sont
simples, fragiles mais ils sont beaux.
Demain
c'est loin
Je m'appelle Dirkal.
En fait mon vrai nom
c'est Leelah Sorgel. J'ai 19 ans, et j'ai tué ma petite sœur. Elle
l'avait bien mérité cette garce, et mon histoire avait fait le tour
du monde, tellement je ne regrette pas mon geste. Enfin si, je
regrette d'avoir mal calculé mon temps, elle a pas assez souffert,
et puis je suis tombé dans les pommes en court de route. Mais bon
passons.
Je me suis donc retrouvée
en prison pour femmes, à l'époque j'avais 16 ans. J'ai fini par
être la prisonnière la plus adulée après avoir botté les fesses
du trio qui y faisait la loi. Sauf que moi ma loi était juste, les
gardiens me respectaient car grâce à mon comportement le taux de
criminalité baissait et les trafics en tout genre aussi. J'ai beau
avoir transgressé le commandement 'tu ne tueras point' je respectais
tous les autres. Mais ça ne m'a pas empêché d'être excommuniée.
J'étais mormone.
Le jour de mes 18 ans
deux types en Men In Black sont venus me proposer un contrat que je
n'ai pas sû refuser : faire partie d'un gang ultra secret
défendant la sécurité humaine à échelle mondiale.
Il ont planifié mon
évasion et après avoir réussi leurs tests de la mort qui tue, me
voici ici.
Un an déjà que je fais
partie du Square, et aujourd'hui je fais ma première mission.
Je suis avec Buffalo, mon
'papa'. C'est lui qui m'a formé, il m'a tout appris, et en plus il
pourrait être mon père, il a 20 ans de plus que moi.
Notre esquade compte huit
personnes. Huit personnes qui font régner la paix dans le monde
diplomatique, scientifique et j'en passe. Notre mission à Buffalo et
moi consiste à récupérer une puce dans un laboratoire mafioso,
puce dans laquelle des données criptées ne doivent pas être
rendues publiques et encore moins vendues. Rien de plus simple.
Enfin, c'est ce que me dit Buffalo :
« Cette mission
c'est pour te faire la main, y'a rien de plus simple. Ne t'en fais
pas, je suis à tes côtés, et puis j'ai confiance en toi, tu as un
bon potentiel. »
Buffalo c'est la force
tranquille.
Tous les membres du
Square ont été recrutés. Tous sauf Buffalo : il s'est engagé
volontairement, il a mis des années à trouver le Square et s'est
entraîné comme un taré pour réussir les test d'admission.
Pourquoi ? Parce
qu'il est originaire d'un village africain, où la milice
gouvernementale à décimé tous les habitants, sa femme et leur bébé
avec. Il a survécu car ce jour là il était dans un autre village
pour y faire un travail. Il s'est alors juré de faire changer ce
monde de fous. Et le voici ici.
Nous avons tous, en
intégrant le Square, choisi un nouveau nom, pour tirer un trait sur
le passé car la personne que nous étions est officiellement morte
et enterrée. Oui j'ai une tombe où mes parents vont y pleurer -ou
m'insulter- en étant persuadés que je suis dedans ! Hahaha !
Hum, bref...
Je ne sais pas pourquoi,
peut-être à cause du stress, mais aujourd'hui cette question me
brûle les lèvres :
« Pourquoi tu
t'appelles Buffalo ? »
Tout en conduisant le
hammer, il esquisse un sourire de fierté qui illumine son visage. Il
appuie sur le bouton du poste radio, fait deux-trois réglages et
lance une chanson. Du Bob Marley.
J'écoute...
J'aime Bob Marley, mais
je ne connais que celles qu'on entend tout le temps. Celle là je ne
l'ai jamais entendue. Et là il se met à chanter avec :
« Buffalo
Soldier... »
On dirait un gamin, il
chante à tue tête ! Ça me fait sourire, de le voir comme ça,
détendu avant une mission. J'arrive pas à y croire.
« Tu sais Dirkal,
tu es la seule qui connaît mon histoire. Bon, sans mon vrai nom,
mais tout le reste est vrai. Pour moi tu es comme ma fille. »
« T'es gentil... »
« Le refrain je
suis sûre que tu le connaît, allez chante avec moi ! »
« Hein ?! »
« Allez, fait pas
ta timide, suis moi !! Oyoyo ! Oyoyoyo !
Oyoyo-yoyoyoyoyo !!!! I said : Oyoyo !!... »
On rigole comme des
gosses ! J'ai chanté avec lui. Et d'un coup je trouve cette
journée belle. Le soleil qui tape comme un cagnard, du Bob Marley,
des rires... ça me rappelle le lycée... enfin, le peu de mois où
j'y ai été.
Mon regard se pose à mes
genoux, et là je vois la boîte à gants entre-ouverte, une paire de
lunettes noire dedans. Je les met. Je me tourne vers Buffalo, qui me
regarde et me dit :
« Attention Dirkal,
c'est pour de vrai cette fois, c'est pas un jeu. Te prend pas pour
Lara Croft, y'a pas de bouton recommencer. »
« Hum... tu trouves
que je lui ressemble avec ces lunettes rondes ? Je me
regarde dans le rétroviseur, en effet. Non en fait c'est elle qui
m'a copié, l'original est toujours mieux ! »
On rigole.
C'est vrai qu'on m'a
souvent comparé à elle au collège. On a les mêmes yeux, cheveux
châtains en tresse, le même visage, la même silhouette... enfin...
ma poitrine c'est du 80B, mais apart ça c'est la même chose !
« On y est. »
Il éteint la musique et
gare le hammer dans une ruelle.
« Tu veux bien
qu'on prie ma fille ? »
« A toi
l'honneur. »
La prière finie, le
stress monte. Il le voit. Il me fait faire les exercices de
respiration, et il me fait un point de digitopression.
« Tu veux un
dopant ? Ça peut aider... »
« Merci »
Il me tend une gélule.
Je l'avale.
C'est parti ! On
sort du véhicule et on se dirige dans le centre ville. Des immeubles
plus grands les uns que les autres, vive les USA. On est habillés
tout en noir : treillie, casquette, rangers et t-shirt moulant
basique. Nos armes tiennent dans un sacs en bandoulière, car cette
mission est super facile. D'ailleurs on ne porte même pas de gilet
par balle. Bref, on se fond dans la masse. Les rues sont pleines de
monde, très animées. On est à New York.
« C'est celui là,
entrons. »
On prend l'ascenseur, il
appuie sur l'étage « 10 » sachant qu'il y en a 15.
On sort à celui là, ce
sont des bureaux. Tout l'immeuble est composé d'étages de ce genre.
Sauf un, qui est le laboratoire illégal. Il se trouve à l'étage
15, le seul condamné.
Personne ne nous voit,
ils sont tous cloisonnés dans leur espaces à téléphoner, taper
sur leur ordinateur... On se dirige vers les toilettes.
Il y a un conduit
d'aération, on l'ouvre et on s'y engouffre. Le temps est long là
dedans. On se dirige comme ça jusqu'à l'étage 15, à quatre
pattes. On est dirigé par son « gps » où toutes les
cartes de la structure sont affichées.
« Maintenant plus
de bruits, on y est. Regarde. »
Je vois à travers les
petites lamelles. Oui c'est bien un laboratoire, des ordinatuers, des
trucs dans des bocaux, de drôles de machines, bref, une ambiance de
labo. Il y a personne. Vraiment personne.
« La puce est là,
dans ce boîtier blanc posé sur cette table ci. Il me la montre en
pointant du doigt.
On ouvre la grille, on la
prend et on repart. Tu vois c'est facile. »
« Oui c'est
simple... mais ils sont où les gens ? »
« Là par contre
c'est bizarre en effet... »
Il réfléchit.
Longtemps, trop longtemps. Je le vois froncer les sur-cils, faire un
léger non de la tête... Et d'un coup je vois son regard changer. Il
se tourne alors vers moi, me prend par les épaules et en me perçant
du regard me dit :
« Dirkal, on est
dans une mission suicide. Ça veut dire qu'on va y rester. »
« QUOI ??
mais... mais tu... »
« Oui, désolé,
ils ont dû intercepter mon message. J'avais raison ! Bon
sang... »
« De quoi tu
parles ? Quel message ? Qui ? »
« Le Square, il est
pas si clean que ça. Il met sa main dans ma poche et me tend un
médaillon : on dirait une clé usb déguisée. Prend le et
met-le dans la première boîte aux lettres que tu trouvera. Je vais
te faire sortir d'ici, c'est ma mort qu'ils veulent. En me mettant
avec toi, ils savaient que ce serait plus facile de me tuer avec ce
genre de mission car j'aurai la garde baissée. Les enfoirés. »
Il me fait un bisous sur
le front, me lâche et ouvre la grille. Je suis tétanisée, sous le
choc. Je me ressaisie et sort mon Desert Eagle du sac pour le
couvrir. Je tremble. Il prend la puce et remonte par la grille.
« Tiens la puce,
met-la en lieu sure et va-t'en. »
Une alarme retentie.
Il me prend alors le bras
gauche, sort son couteau et me fais une entaille. Il prend le boîtier
blanc, sort la puce et me l'y insère. Il me fait un bandage. Je
n'arrive pas à y croire, quelle journée pourrie !
« Sors d'ici
maintenant ! »
« Non, je ne saurai
pas faire toute seule, j'ai besoin de toi ! »
Des coups de feu
retentissent, il se retourne en prenant son flingue et se prend une
balle en pleine poitrine.
J'hurle.
Il tombe sur moi,
j'essaye de le tirer loin de la sortie de la grille, mais sa masse
est horriblement lourde. J'y arrive avec beaucoup de mal.
« Reste avec moi je
t'en supplie !
« Ma fille va t'en,
écoute moi s'il te plaît. Part ! »
Il crache du sang. Il
commence à trembler. Je l'allonge au sol, et lui tiens la main.
« Je te laisse pas
creuver comme un chien ! Je sens que des larmes coulent de mes
yeux. Je t'aime mon papa, qu'est ce que je vais devenir sans toi ?
Autant tout arrêter ! »
« Non, il faut que
tu leur botte les fesses. Détruit ces fumiers, fait le pour moi.
Détruit le Square de l'intérieur. »
Il tousse... il se vide
de son sang.
« Tu me
sur-estime... »
« NON. Rappelle toi
qui tu es, comment je t'ai formée. Comment tu t'appelles ? »
Je reprend alors
conscience de mes capacités, je sèche mes larmes, la détermination
m'habite, mon visage se durci. Je lui répond avec toute ma hargne et
du plus profond de mes tripes :
« Je m'appelle
Dirkal. »
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