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lundi 27 janvier 2014

Félicitation à Dray !

Je vous laisse découvrir sa nouvelle.

Il n'y a pas dix milliards de façon de préparer un déménagement.
Enfin, si. On peut s'y prendre vraiment à l'avance, s'organiser, faire des petites listes (des tonnes de petites listes, les gens biens et organisés font des petites listes), avoir des cartons tous de la même taille, prêts à remplir de tout un tas d'objets colorés et utiles. Ou on peut se dire que ça va, on est large; et réaliser entre deux courses et arrivées en retard à l'heure des Mamans, qu'on a trois malheureux cartons. Cartons dénichés, mouillés, aux poubelles de la pharmacie d'à coté. Et réaliser que oui, dites-donc, le temps est passé tellement vite qu'il va au moins falloir passer chaque soir à ne faire que ça si on veut en avoir fini le jour fatidique de l'état des lieux.
Voilà, ça c'est plutôt ma façon à moi de faire.
J'avais beaucoup de temps mais j'avais omis de prendre en considération que les cinq longues semaines de préparation étaient en réalité très, très courtes. Parce que la première semaine, la longue soirée sans les enfants a, en faites, été prise par mes obligations de sœurs visiteuses. Que le week-end suivant, lui, était pris par cette activité de soso de confection de marsouins en peluche pour les orphelins de Malaisie (c'est moche un marsouin en peluche, j'ai presque eut honte en imaginant le pauvre gamin qui auraient droit à mon épouvantable création). Et la semaine d'après il semble que les patients les plus épouvantables du monde se soient donné rendez-vous dans mon service, avec comme mission de me faire rentrer chez moi dans un état proche de la serpillière trop essorée.
Bien sur David travaillait bien trop pour que je puisse imaginer qu'une partie du colossal boulot puisse être absorbée par ses bras musclés. Oui, mon mari a des bras musclés. Je l'ai épousé pour tout un tas de raisons et j’avoue que les bras musclés sont le petit point bonus qui me fait encore sourire. Mais aujourd'hui ses bras musclés ne sont pas en train de m'aider à faire les cartons, alors bon...je souris moyennement...
Alors j'en étais là, à trois semaine et trois cartons humides de mon déménagement.
J'ai remonté mes manches, j'ai appelé les garçons et je leur ai dit de ranger leurs jouets dans le grand carton, oui celui là, non pas le petit carton mouillé.
Et j'ai commencé à trier leurs vêtements. En m'arrêtant toutes les dix minutes pour régler leur chamailleries j'avais terminé le carton « vêtements d'été » quand David rentrait.
J'ai béni le sens pratique de David (qui m'était bien plus utile que ses biceps) quand il m'a dit qu'il ramenait dix cartons du supermarché d'à coté. Quand en plus, il m'a dit que ces cartons là n'étaient pas mouillés, j'ai su que je suivrai cet homme jusqu'au royaume céleste (sauf si mon addiction aux petits potins mesquins m'oblige à faire une halte au royaume téleste...)
« Je suis lancée dans les cartons, tu fais le repas, mon cœur ? »
Et j'ai cartonné. Pendant qu'il faisait à manger, pendant qu'il donnait à manger, pendant qu'il envoyait les enfants prendre leur bain. J'ai cartonné comme si ma vie en dépendait parce que la motivation était là et qu'il ne fallait surtout pas la gaspiller.
J'ai compté les cartons faits, pour évaluer mon efficacité. J'en ai compté huit, puis j'ai décoché mentalement celui des garçon en enjambant la montagne de playmobil qu'ils avaient visiblement préféré ressortir de leur carton fraîchement fermé.
« J'en fait encore un et j'arrête »
L'appartement était calme, les garçons s'étaient couchés, David se brossait les dents, et j'ai attaqué le bureau, ce machin fourre-tout, sur lequel traînent des papier dans tous les sens, des objets du quotidien qui n'ont pas été utilisés depuis six mois et le bol de céréales du petit dernier (Pourquoi sur le bureau de la chambre des parents, pourquoi ? Les enfants ont une case toute particulière consacrée à l'invention de nouvelle place pour chaque objet. Comme par exemple ranger le cahier de la maîtresse à faire signer pour demain sous les yaourts dans le frigo). Après avoir ramené le bol dans la cuisine en pestant, j'ai commencé le tri des papiers : Ne surtout pas mélanger la paperasse à régler avant de partir car il n'y a rien de pire que d'oublier de payer la redevance télé parce qu’on l'a perdue dans le déménagement. Je le sais parce que je l'ai déjà fait.
J'avais enlevé et classé en trois tas tous les papiers, quand j'ai remarqué la boite bleue qui était là depuis une éternité et qui avait plus où moins disparu, engloutie sous des couches sédimentaires de notes, post-it, papiers importants et prospectus accumulés en deux ans de gestion administrative hasardeuse. La boite bleue qu'on n' avait jamais pris le temps d'ouvrir.
« Chéri, on fait quoi de la boite que ta mère t'as donné ? On classe maintenant où on s'en occupe dans le nouvel appart ?
-La boîte ?
-Oui, celle qu'elle t'a donné à Noël, y a deux ans.»
David a passé la tête par l'embrasure de la porte « Tu fais ce que tu veux, ma chérie, tu ne veux pas te poser un peu ? Y a un truc sympa à la télé. »
Je me suis assise en tailleur sur la pile de papiers « à classer, pas urgent » (les deux autres, c'était « poubelle » et « à classer, très urgent ») et j'ai ouvert la boite, histoire de me faire une idée de ce qu'il y avait dedans.
Des photos en vrac, des enveloppes, un bracelet de nouveau né, une toute petite boite en bois avec trois dents de lait à l'intérieur.
Je me suis arrêtée en pouffant de rire sur la photo de mon homme, en slip de bain rouge, gaulé comme une brindille, lorsqu'il avait huit ans. J'en ai regardé d'autres avec plus d'attention.
« Elle était super belle quand elle était jeune, ta mère. Ta sœur lui ressemble vraiment... »
Je l'ai entendu répondre un truc indistinct depuis le salon.
Je me suis arrêtée sur une liasse de papiers jaunis. Il y avait des cartes postales en noir et blanc aux angles racornis, de fines feuilles de papier numérotées avec une belle écriture à l'ancienne, et quelques photos d'un homme à moustache, plutôt chétif, en habit de soldat. Un prénommé P. Braconnier, si on se fiait aux annotations au dos.
Des vieilles photos. Et six carnets tout usés.
J'ai ouvert le premier.
Il y avait un nom, « Paul Braconnier » et une date.
12 Juillet 1914. J'ai buté sur l'année. Sous mes fesses il y avait mon dernier relevé bancaire, reçu hier, en 2014 et sous les yeux j'avais des mots écrit un siècle plus tôt par un moustachu maigrichon.
La première page débutait donc sur cette date, et les premières lignes m'ont fait un choc :
« Le dimanche matin je reçoit mon ordre d'appel immédiat et sans délai. « Voilà ton ordre d'appel » me dit-on »
Je suis restée un peu sonnée.
« T'as le journal personnel d'un poilu ?! »
Toujours du canapé, David répondis :
« Quoi ? Y a un truc poilu ?
-Mais non, idiot, je te dis qu'il y a le journal personnel d'un poilu. »
David se leva, repassa la tête par la porte « De quoi tu parles ? 
-Dans la boîte, il y a des cahiers qui ont été écrits par un soldat pendant la première guerre .»
-Ah, Maman m'a donné les cahiers de Paul Braconnier ? C'est cool ça, je les ai jamais lu. On a fait une session Braconnier au temple quand j'étais ado, Maman avait trouvé pas mal d'actes de naissance. »
Il s'est assis à côté de moi, sur le tas « poubelle » et il a ouvert un des cahiers.
La télé en fond sonore, j'ai repris ma lecture.
J'avais un peu de mal à déchiffrer, l'écriture était fine et allongée. Le type parlait des nouveaux camarades rencontrés, d'apprentissage, de déplacements. Entre deux pages une fleur séchée attendait qu'on la cueille.
Je survolais, je m'arrêtais de temps en temps. Parfois des faits, des simples faits tout nus et un peu ennuyants, à d'autre moment on voyait qu'il avait un peu plus de temps pour écrire et les détails étaient plus nombreux.
David s’interrompit : « C'était un poète en faite, j 'en suis à un passage où il y a une espèce de soirée de talents entre soldats, il y a lu un poème qu'il a écrit, je te lis un passage :

Et ce poing qui se crispe ? Est ce contre Dieu lui même ?
Dieu permet-il qu'on meure ici dans un blasphème ?
Est ce un élan religieux
Qui fit surgir ces mains, là bas, sur l'herbe rase,
Sorte d'envol fougueux arrêté dans l'extase,
Essor mystique et radieux ? 

-j'imagine que ces poèmes devaient parler d'autre chose que de mort avant qu'il ne devienne soldat, c'est un peu macabre quand même...
-C'est un peu le sujet, oui. Le poème s’appelle « les mains des morts », il l'a écrit un an après avoir été appelé. J'imagine qu'il a eut le temps de voir suffisamment de trucs horribles pour changer d'état d'esprit. »
On a lu un peu encore et puis on est allé se coucher. Dans le lit, j'ai demandé « Qu'est ce qu'il a fait après la guerre, Paul Braconnier ?
-Oh, je n'en sait rien... ». David s'est endormi après un baiser mais moi je ne trouvais pas le sommeil.
Je me suis relevée sans faire de bruit, j'ai pris les carnets et la liasse de papiers et de photos et je suis allée dans le canapé.
C'était fou comme c'était absorbant. Je lisais et sans le voir venir je me trouvais happée dans l'univers du soldat Braconnier. Quand il en avait le temps, il prenait le temps de décrire, de raconter. Son poème terrible m'avait définitivement persuadé que Paul était un littéraire, un vrai. J'avais froid pour lui quand il parlait des veilles de nuit, je voyais le reflet de la lune dans l'eau quand il décrivait les moments de travail silencieux dans les tranchées, je m'étonnais de connaître la signification de tous les mots de sa liste d'argot poilu, des mots tout nouveaux pour lui, mais qui avaient fait leur place dans le langage courant (avoir les foies, le pinard, la gnôle...)
Le 4 Septembre 1915 il écrivait :
« Un décor particulier pour le travail de nuit :
On y arrive par un interminable boyau : bien fait, large, tortueux, avec un plancher en bois, des gabions et des claies pour masquer les hommes à la vue de l'ennemi, un petit pont dessus un ruisseau et une fontaine, et de nombreuse bêches sur la terre gluante des talus. La nuit est froide et pluvieuse. Dans les boyaux, il ya cinq centimètres d'eau que les hommes essayent de vider avec de longues pelles de bois. C'est à peu près impossible. On continu sans rien voir, certains sont allongés dans l'herbe ou dans le bois, malgré le froid et l'humidité. Il était inutile de faire sept kilomètres aller et sept kilomètres retour pour faire si peu de travail ? »

Un peu après, il écrivait :
« Nous travaillons de nuit dans le même décor que les jours précédents. Tandis que je fais vider un boyau, une balle perdue vient tomber avec un son mat dans la glaise, à mes pieds à 2 mètres, alors que j'entends son zézaiement aigu et perfide. »
Je tournais les pages, sautais des passages quand c'est trop mal écris. J'essayais de lire entre les lignes pour comprendre qu'est ce que la vie de cet ancêtre avait pu être, est ce qu'il avait une amoureuse ? A 22 ans, apparemment, il n'était pas marié. De qui, dans la famille, était-il l'arrière-arrière-grand-père ?Il parlait de ses parents, d'une sœur, Louise et de deux frères, Jean et Henri.
Dans la famille de David on faisait de la généalogie, on listait des noms sur des petites feuille de papier, on faisait des sessions au temple tous ensemble, avec les ados, les grand parents, les oncles et tantes, mais derrière tout ces noms je me rendais compte que je ne connaissais rien de leur vie. Parfois un métier sur un acte de mariage, rarement plus. Et tout d'un coup j'avais le quotidien d'un de ces noms sous les yeux, ça devenait plus que des dates et une moustache sur une photo (mais en même temps, vu l'imposante moustache je comprenais qu'on puisse résumer à ça : « Paul Braconnier, le moustachu c'est ça ? » Non, Paul Braconnier, le poète, le volontaire, le patriote, le grand lecteur...) Il faisait des résumés de bouquins dans son journal de guerre!! Genre, sur son temps libre il lisait, et moi je lisais le résumé...
Le 1er mars 1916 il écrivait : 
« Nous devons partir ce soir 1er mars.
Où allons nous ?
Le danger de la percée allemande semble conjuré, mais sans doute aurons nous de terribles bombardements. On passe, paraît-il , 48 heures en 1er ligne, autant en 2ème et autant en 3ème.
Quels sont ceux qui n'en reviendront pas ?
Chacun de nous est une parcelle de cette poussière qu'est une armée, parcelles sans valeur, sans poids dans le système. Notre situation est anonyme. Nous n'avons pas plus d'importance que tel ou tel ; que chacun de ceux qui sont morts et qui n'arrêtent même pas notre attention, de même que tel guerrier des plus vagues époques historiques. Il faudrait se considérer objectivement. Notre douleur est individuelle et subjective. »
Voilà, c'était exactement ça, la somme de tout nos ancêtres, on la survolait en lisant une liste de dates et de noms, de toute façon ils étaient tous morts. Mais on ne pensait pas à chacun d'eux comme des individus uniques, avec une vie aussi riche et complexe que nos contemporains.  « Paul, tu lis dans mes pensée », me dis-je.
Et je tournais la page. Vide. Rien. Ni sur celle là, ni sur la suivante. C'était les derniers mots écris sur le sixième carnet.
Mince, où était la suite? J'ai retourné le tas de document, j'ai regardé les cartes postales qu'il avait envoyées à ses parents, et mon regard est tombé sur un papier officiel avec cachet, annonçant:
« avis de décès.
Paul Braconnier, mort pour la France le 8 Mars 1916, à Vaux, tué à l'ennemi. »
Un vertige m'a pris. J'ai repris le sixième carnet et j'ai relu la date. Le 1er Mars 1916, une semaine avant sa mort. La carnet était bien fini, il n'y avait pas d'erreur. C'étaient ses derniers écris. Ces derniers écris où il disait « Où allons nous, combien d'entre nous reviendront ? ». Ces dernières lignes où il s’interrogeait sur la somme anonyme des morts, juste avant d'être à son tour englouti dans la masse de l’immense boucherie de la bataille de Verdun.
Je suis retournée dans la chambre, et bouleversée, j'ai chuchoté à mon mari « David, David, réveille toi, Paul est mort ! Paul Braconnier est mort ! »
La voix endormie il m'a répondu « Mais bien sur qu'il est mort, ma chéri, il serait plus que centenaire aujourd'hui. »
Les larmes aux yeux je lui ai dit « Non David, il est mort. Il est mort pendant la bataille de Verdun. Il n'est jamais rentré chez lui, il n'a jamais eut d'enfants, il n'est pas ton ancêtre parce qu'il n'a pas de descendants. »
David s'est assis dans le lit, il m'a prise dans ses bras, et ensommeillé il m'a dit « Paul Braconnier était l'oncle de ma grand-mère, c'est son petit frère, Henri, celui qui est resté à la maison parce qu'il était trop jeune pour être appelé, qui est mon arrière-grand-père. »
Je l'ai laissé se rendormir, je suis retournée au salon. J'ai rangé tous les papiers, j'ai inspiré un grand coup en repensant à ce moustachu maigrichon et j'ai refermé la boite bleue. J'ai ré-enterré Paul Braconnier dans un carton de déménagement, fermé au gros scotch marron. Et j'ai coché dans ma tête un huitième carton. Parce qu'il n'y a pas dix milliards de façon de préparer un déménagement.


Prologue :
Les extraits de carnets existent réellement, ils ont été écris par F. B., mort à Verdun, quelques jours après avoir écrit le dernier extrait, qui, étant ses dernières lignes sonnent étrangement prophétiques. C'était un homme courageux. Ses derniers actes lui ont valu la citation suivante :
« Blessé à la figure, n'a pas hésité, malgré un bombardement extrêmement violent, à déterrer des hommes de son unité ensevelis dans les tranchée. Blessé de nouveau, s'est rendu lui-même au poste de secours »
il est mort des suites de l’hémorragie causée par sa blessure.
Les carnets ont été envoyés à sa famille par le meilleur ami de F., en permission le jour de cette bataille, permission qui lui a probablement sauvé la vie.
F. B. est le frère de l'arrière-grand-père de mon petit ami, j'ai pu lire ses textes, que j'ai trouvé passionnants, grâce à un membre de sa famille, amateur de généalogie bien que non membre qui a compilé tous les documents récupérés (cartes postales, photos, lettres, journal).


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Participation de Flora

Posted by Flora/Flux On 09:25 1 commentaire
- C'est une réaction allergique.
Le médecin avait déclaré ça d'un ton joyeux. Pensez-donc, on venait de poser un diagnostique. Il y avait de quoi se réjouir. On ne connaissait pas de traitement, on ignorait même si c'était mortel ou bénin. Mais au moins on savait ce que c'était.
Amélie était venue en consultation pour une sensation de brûlure persistante aux yeux. Après une série d'examens chez l'ophtalmologue qui n'avait rien donnée, son généraliste avait fini par lui demander de raconter précisément ce qui amenait les crises. Le verdict était tombé : Elle souffrait d'une allergie sévère au témoignage et s'était vu prescrire une interdiction de témoigner. Sevrage total. C'était bien embêtant, parce qu'elle venait d'être appelée à l'école du dimanche et que dans le manuel, il était marqué que l'instructeur devait rendre son témoignage.
Comme tout alergique, Amélie avait recherché des alternatives. Elle avait tenté le témoignage très bref, le chuchoté, celui qui commence par "cette semaine, j'ai vu à la télé". Peine perdue. Même celui qui prétendait que c'était arrivé à une très bonne amie lui provoquait de violentes crises de larmes. C'était très embêtant.
En désespoir de cause, elle avait consulté un alergologue qui lui avait proposé un traitement de desensibilisation. Cela consistait à lui administrer tous les jours une toute petite dose de témoignage.
-Voici votre flacon pour le premier mois, dit le médecin en lui tendant la substance.
Dans une bouteille de verre fumé se trouvait le précieux liquide.
-Faites bien attention, c'est un poison violent. Du témoignage ultra concentré ! Ne dépassez surtout pas la dose prescrite. Une goutte, pas plus ! Précisa-t-il, s'assurant qu'elle avait bien compris.
Amélie rentra chez-elle, le coeur léger. Il y avait un espoir.
-C'est un labo Suisse qui fait ça. Ils font des prélèvements les derniers jours d'EFY, ensuite ils centrifugent pour qu'il ne reste que l'essenciel. C'est ultra, ultra violent, expliqua Marie en rangeant son médicament tout en haut de la porte du frigo. Vous n'y touchez pas, sous aucun prétexte !
Son mari opina, son fils agita gravement la tête, sa fille acquiéça.

La maison était silencieuse, Amélie profitait que ses enfants dorment encore pour prendre son petit déjeuner. Touillant son chocolat chaud, elle relisait la notice de son flacon. Les effets secondaires étaient aussi nombreux et effrayants que pour n'importe quelle boite de cachet digne de ce nom. Palpitation, perte de mémoire, euphorie, syndrome de "je vous aime tous" pour le principe actif. Que des symptômes déjà connus du témoignage. La partie qui concernait les exipiants était déjà plus exotique. Eruption cutanée (Acné), fatigue chronique, rires hystériques, état fébrile, déséquilibre hormonaux... La liste de ce qu'il en coûtait d'extraire du témoignage de Jeune Gens/Jeune Filles n'en finissait pas.
Amélie hésita un instant, puis, déterminée, elle prit sa dose du jour, la laissant fondre sous la langue. Cinq ans de ce manège. Il fallait prier pour qu'aucun des effets indésirables ne se manifeste.

-Docteur, c'est terrible, je ne supporte pas du tout le traitement, s'exclama Amélie, un mois seulement après.
Se voulant apaisant, le médecin la laissa s'asseoir et déballer sa journée, en lui assurant qu'ils trouveraient une solution.
-J'ai trente-cinq ans, je suis mariée, mère de deux enfants... Je ne peux pas être une groupie de missionnaire ! Vous rendez-vous compte de l'image desastreuse que je donne ?! Elder machin, que vous êtes drôle. Elder Bidule vous êtes amazing ! En plus je passe mon temps à tripoter mes cheveux. Ce n'est pas simplement ridicule, ça les rend très très gras.
Remontant ses lunettes, il détailla la notice que lui avait tendue Marie. La drague de missionnaire faisait effectivement partie des effets indésirables de l'exipiant.
Au moins, ce n'était pas la subtance active qui était mal tolérée.
-Nous allons changer de produit. En attendant, demandez à votre mari de porter une plaque de missionnaire, ça devrait pallier à votre addiction.
Roger sembla très peu goûter de devoir porter la plaque "futur missionnaire" de son fils cadet. Sa femme ne lui parlait plus qu'en englais, et l'imaginait extrêmement humilié. Elle-même aurait aimé pouvoir invoquer les montagnes pour qu'elles lui tombent dessus tant elle avait honte. Tout rentra dans l'ordre cependant, grâce au nouveau concentré de "témoignage de missionnaire muté". Beaucoup plus sobre.

Six mois avaient passés. Carine, la cinquantaine, s'installait dans le cabinet du médecin que lui avait conseillé Amélie.
-Je peux la comprendre, ce n'est pas sa faute la pauvre. Pas de témoignage, alors, elle compense comme elle peut. Mais elle en inonde la paroisse. A chaque leçon ! Une citation, une photo, un extrait de discours, ... Elle n'en rate pas une. Je n'ose même pas prononcer le mot, ça le met dans un état monstrueux.
-Bon, je vais l'observer. Vous le sortez de son sac ? Le mieux c'est de le voir pendant une crise, vous en avez un ?
-Ah non, je les ai tous jetés, par sécurité.
Le médecin farfouilla dans un tiroir, puis, brandissant un petit post-it, il déclara :
-J'en ai un ! Alors mon grand, tu ne supportes plus les marques-pages ?
Le livre de mormon couina lamentablement et tenta de fuir.
-Allez, tout doux. Regarde, je le range. Voilà, il a disparu.
-Alors, c'est grave ?
-Un cas typique...
Le médecin sortit une ordonnance, griffona le nom de quelques anti-staminiques, puis tendit la feuille, déclarant :
-C'est une réaction allergique.

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Participation d'Eolia

Posted by Flora/Flux On 09:17 1 commentaire
Cérémonie

Pour elle, tout était parfait. Les fleurs blanches et roses dégageaient un parfum si doux, et l’arrangement choisi par sa cousine fleuriste mettaient la chapelle en valeur, sans toutefois être trop présentes. Le soleil dardait ses rayons à travers les vitres et réchauffait les épaules, illuminant les livres de cantique qui étaient déposés sur les bancs, prêts à être utilisés par l’assemblée pour chanter ses hymnes favoris. L’organiste, la pianiste et quelques autres musiciens avaient une discrète dernière répétition dans le coin gauche de l’estrade, tandis que sur la droite l’évêque et ses conseillers accueillaient les nouveaux arrivants.
Julianne observa quelques minutes la salle depuis l’entrée de service, sans que personne ne s’aperçoive de sa présence, puis se décida à rejoindre la pièce attenante où sa sœur Sarah finissait d’habiller et de coiffer Léon. Dans son beau costume tout neuf, il était magnifique. Elle eut l’impression d’être ramenée au jour de leur rencontre, un soir d’été dans le jardin du Luxembourg.
Il marchait d’un pas pressé, sûr d’arriver en retard pour assister à la Première d’une pièce de théâtre à l’Odéon, quand il avait trébuché sur le trépied de son appareil photo. Il n’y avait pas eu de dégâts matériels. Juste un jeune homme rougissant et une jeune fille timide qui n’osaient se parler ni se quitter des yeux. Il l’avait aidé à ranger son matériel de photographe et l’avait complimenté sur le choix de celui-ci. Julianne avait découvert que le bel inconnu était aussi photographe, mais simple amateur alors qu’elle était déjà une professionnelle. Son prénom l’avait fait rire. Elle avait toujours associé Léon à « lion » et l’homme aux cheveux blonds-roux et bouclés, avec ses lunettes carrées, lui apparaissait plutôt comme un cocker que comme le seigneur de la savane.
De rendez-vous en balades, ils avaient commencé un album commun, et un projet d’exposition conjointe était également né. Le dernier jour, alors que la galerie se vidait de ses derniers visiteurs, Léon avait donné une photo à Julianne. Dessus, deux mannequins dans une vitrine : un costume gris clair et une robe de mariée blanche en dentelle et soie. Elle avait pris son appareil photo, avait écrit sur une feuille qui trainait « Oui » et puis avait pris un cliché. Le mariage fut fixé pour l’anniversaire de leur date de rencontre.
Un bruit sourd tira Julianne hors de ses souvenirs. Un petit garçon venait de refermer assez brutalement un piano dans une des salles voisines. Laissant Léon et Sarah à leur discussion, Julianne décida de se promener dans les couloirs au milieu de ses amis. Elle vit du coin de l’œil le petit Gabriel, près du piano, se faire sermonner par sa mère. Ah, comme elle était heureuse de ne pas avoir d’enfants aussi énergiques que celui-là.
Un peu plus loin, elle croisa ses deux conseillères. Etre Présidente des Jeunes Filles de sa paroisse n’était pas de tout repos, mais elle n’aurait refusé son appel pour rien au monde. Pouvoir partager ses connaissances avec ces adolescentes, les faire rire lors d’activités, les aider dans ces années si difficiles où les choix qu’elles doivent prendre ont tant d’importance pour leur avenir, tout cela (et bien d’autres choses encore) étaient une merveilleuse opportunité pour elle de s’améliorer et de se découvrir des talents. Si à 14 ans sa mère lui avait dit qu’elle apprendrait un jour le crochet, elle aurait certainement levé les yeux au ciel. Et pourtant, pour une brunette aux yeux verts qui voulait absolument confectionner des habits pour les futurs bébés de ses sœurs et belles-sœurs, elle s’y était mise. Toutes les deux, elles avaient travaillé et au bout de trois mois, elles avaient pu fièrement présenter au reste de la classe leur première paire de chaussons. Depuis, Clarisse et elle étaient surnommées les « Crocheteuses ». Pas une seule naissance sans une de leurs créations !
En parlant de Clarisse, où pouvait-elle bien être ? Elle ne l’avait pas vu parmi les musiciens. Pourtant elle devait jouer de la flûte traversière, c’était prévu ainsi ! Julianne hâta ses pas, à la recherche de sa jeune amie. Rien dans la salle de jeux au sous-sol, ni à l’étage, nulle trace de Clarisse dans le jardin ou sur le parking. Inquiète, Julianne repris la direction de la chapelle.
Lorsqu’elle entra dans la salle principale, elle s’aperçu que la cérémonie allait commencer. Léon était au premier rang, assis à côté de Sarah. Clarisse était au pupitre, prête à jouer le morceau qu’elles avaient tant de foi interprété ensemble. Dès les premières notes, les proches de Julianne se saisirent de mouchoirs. Clarisse retenait difficilement ses larmes. Heureusement pour elle, la pianiste avait pris le relais pour deux couplets. Le morceau fini, Clarisse s’approcha du micro et s’adressa à l’assemblée :
« Avant de laisser la parole à Carole Periaux pour la prière d’ouverture, je souhaitais préciser que je ne jouerais plus jamais le cantique Je rencontrais sur mon chemin. Julianne et moi l’avons appris ensemble, joué ensemble et maintenant, il m’est impossible de souffler ces notes-là dans ma flûte sans elle à mes côtés. Elle m’a aidé lorsque j’étais perdue dans les méandres de mon adolescence, elle m’a encouragé à ne pas baisser les bras, à développer mon potentiel de Fille de Dieu… Elle a été une seconde mère pour moi qui ait perdu la mienne très jeune. Cette cérémonie est pour elle et pour chacun d’entre nous afin de garder à jamais sa bonté et son charisme dans nos cœurs. Merci. »
Les larmes qui coulaient sur les joues de Julianne se mêlaient au sourire resplendissant qu’elle adressait à la jeune femme. Elle était si fière d’elle, de la femme studieuse, douce, endurante et sensible qu’elle était devenue. Non, elle n’était pas sa mère, d’ailleurs la différence d’âge n’était pas assez grande pour qu’elle le soit. Mais le lien qui les unissait s’y apparentait pourtant. Un grand avenir s’ouvrait devant elle et elle savait que Dieu rendrait ses pas fermes et sa main tendre pour avancer sur le chemin qu’elle avait choisi. Oui, intégrer un prestigieux orchestre allait être une grande bénédiction pour elle et pour tous ceux qui allaient découvrir son talent.
Perdue dans ses pensées, elle n’entendit même pas son amie Carole prier, ni même l’évêque adresser un discours. Ses yeux se posèrent sur le nouvel orateur : son ami Patrick, son confrère de reportages, son soutien dans les moments de doutes professionnels, celui qui avait mis six ans à admettre que les sentiments qu’il éprouvait pour la sœur de sa meilleure amie étaient plus que amicaux… Pfu ! Mais quels empotés ces deux-là, en y songeant ! La voix tremblante de Patrick narrait les bons moments qu’ils avaient passés ensemble et sa reconnaissance pour cette petite boule d’énergie à la timidité maladive, qui avait su surmonter ses frayeurs pour évoluer et devenir une femme respectée dans le monde du journalisme et de la photographie. Il montra un portrait de Sarah et lui que Julianne avait réalisé lors de leur mariage, trois ans plus tôt. Il expliqua combien cette photo lui était précieuse, car avant elle, il n’avait jamais su être à son avantage sur un cliché. Pour un photographe, c’était tout de même rageant… Julianne gloussa à la mention de ce trait particulier de son ami.
L’orchestre joua Tu éclaires le chemin, deux autres proches de Julianne adressèrent quelques mots puis vint enfin le tour de Léon. Digne, serein, il ne dérogea pas à sa règle de conduite pour tous ses discours : « Droit au but, droit au coeur ».
« Julianne était, est, et sera toujours mon rayon de soleil et de lune. Son sourire et sa joie de vivre illuminaient mes jours. Sa tendresse et sa ténacité m’ont évité bien des nuits de déprimes lorsque mes problèmes de santé ont commencé. Je pensais partir avant elle. Encore une fois, elle a été plus espiègle que moi. Je n’ai aucuns doutes qu’elle se trouve près de Notre Père Céleste, à nous encourager à aller de l’avant et à continuer nos vies. Je ne sais pas quand je pourrai, quand nous pourrons, la revoir de nouveau. Peu importe la date, nous nous devons de poursuivre notre chemin et préserver l’héritage qu’elle nous a légué : son œuvre de photographe, sa générosité, et son témoignage de l’Evangile. Nous étions un couple « bien dans sa vie » au début de notre mariage, et depuis notre rencontre avec l’Evangile de Jésus-Christ, nous avons été un couple heureux et ce, malgré les épreuves traversées. Elle a été la première à vouloir se convertir, et comme elle avait toujours raison (même si j’avais beaucoup de difficultés à le reconnaitre), j’ai vite suivi. Nous n’avons jamais regretté notre décision. Aujourd’hui, je peux le dire avec encore plus de certitude : Dieu m’a bénit bien plus que je ne l’aurais imaginé, en me permettant de rencontrer Julianne et d’avoir vécu à ses côtés pendant seize merveilleuses années. »
Léon baissa les yeux vers le cercueil de merisier qui contenait son épouse. « A bientôt mon Amour. Fais preuve de patience, tu sais combien j’ai tendance à être en retard pour tous les grands évènements de ma vie. » Julianne sourit, amusée. Né dix jours après terme, un quart d’heure de retard le jour de l’oral du bac de français, de même que le jour de notre rencontre, sans oublier le mariage où l’adjointe du maire était passablement agacée d’avoir dû chambouler l’ordre des mariages parce que tu étais coincé dans les embouteillages… Ah, ça, tu n’en rates pas une… sauf aujourd’hui. Tu as été ponctuel. Tu as fait des efforts pour être à cheval sur les horaires comme je le suis. Merci mon amour…
Il regarda à nouveau la foule : « Merci d’être venus pour rendre un dernier hommage à ma bien-aimée Julianne. Puisse Dieu nous aider à garder son souvenir intact dans nos mémoires et nos cœurs. »
A pas feutrés, Julianne s’avança jusqu’au banc où était assise sa sœur. Elle lui chuchota à l’oreille « Je serais toujours là petite sœur. Nous nous reverrons un jour, comme nous nous l’étions promis. Je t’aime. » Puis elle lui effleura la joue. Sarah étouffa un sanglot et porta sa main à son visage. Patrick la pris dans ses bras pour la réconforter.
« Chéri, elle est là. Elle m’a dit au-revoir ! » Un sourire mouillé se dessinait sur ses lèvres. Mais Julianne ne l’entendait déjà plus. Son temps était écoulé. La cérémonie était finie, elle savait que les secondes étaient comptées avant de retourner dans la douce atmosphère des cieux. Elle se planta devant Léon, imperturbable malgré les personnes qui passaient au travers d’elle, frissonnant à son contact sans savoir pourquoi. Sa main gauche caressa ses cheveux tandis que la droite se posa sur son costume, juste au-dessus du cœur. Il retint son souffle, puis murmura, les yeux dans le vague : « Julianne ? » Sur la pointe des pieds, elle déposa un baiser sur ses lèvres. « A bientôt mon Lion adoré » murmura-t-elle au creux de son oreille. Une larme coula le long de la joue de son époux, il l’avait entendu.

Se sentant partir, elle se tourna vers la salle. Une main sur son cercueil, elle poussa un soupir de soulagement. La vie allait reprendre pour sa famille et ses amis. Léon la rejoindrait dans peu de temps selon ses sources (les plus fiables qui soient !) et ils pourraient continuer leur histoire pour l’éternité. Oui, en cet instant, c’était certain. Pour elle, tout était parfait.
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Participation de Green Knight

Posted by Flora/Flux On 09:17 2 commentaires
Le long de la Carlson

Des cendres. Voilà tout ce qui restait de leur feu de camp de la veille. Intérieurement, David Barton pesta car son compagnon avait visiblement négligé son tour de garde, et avait fini par dormir. Il s'ébroua et s'étira en baillant. Plus qu'une journée de marche pour atteindre Dayton, dans la vallée de la Carson.
Tout avait commencé lorsque Flint les avait virés, John et lui. La vie de cowboy n'est pas des plus agréables, mais 1$ par jour reste mieux que rien. S'ajoutait à cela un sentiment d'amère injustice, que les deux jeunes gens n'arrivaient pas à digérer. Le vol des vaches était sûrement un coup des gars de Tamer, mais Flint n'avait rien voulu savoir.
Alors John avait proposé qu'il aillent tenter leur chance en Californie. Ils n'étaient pas plus bêtes que les autres, et sauraient bien extraire suffisamment d'or de cette terre ingrate pour faire fortune. C'était bien une idée à la John Tallys, ça. David jugea qu'ils n'arriveraient en Californie qu'au prix d'un voyage long et dangereux, au terme duquel il faudrait sans doute se battre pour se faire une place ; la concurrence y serait certainement dure.
C'est à se moment là que David se remémora une lettre reçue de Josh ; un bon copain, ce Josh, débrouillard et bagarreur, et intelligent avec ça. Depuis qu'il avait rejoint les mormons, David ne l'avait pas revu, mais il recevait de temps à autre un courrier de lui. Le dernier en date relatait son départ dans une expédition pour le moins hasardeuse, et l'hiver qu'il avait dû passer au pied des Rocheuses avec ses coreligionnaires. Il disait avoir trouvé de l'or dans la rivière Carson, et qu'ils étaient bien les seuls à avoir dressé un camp à cet endroit ; pas de casse-pied en vue. Mais Josh annonçait quand même la volonté des dirigeants du groupe de passer les montagnes une fois les beaux jours revenus.
« Qu'il est bête, ton copain mormon!», s'était exclamé John. « Quand on trouve un filon, on ne le lâche pas. T'as bien raison, en route pour la Carson. »
Un voyage long et pénible les attendait, avec de nombreuses haltes où ils s'étaient vendus comme journaliers pour financer leur expédition. David avait découvert des facettes inconnues et légèrement malhonnêtes de son associé, et s'était parfois demandé s'il pouvait vraiment lui faire confiance, mais il avait toujours remis les décisions à plus tard et se laissait porter par leur objectif commun.

Ils arrivèrent enfin à Dayton, petite ville construite sur la Carson River, et John voulut immédiatement célébrer la fin du périple et leur prospérité future en se rendant au Dark Eagle Saloon, lieu de perdition non loin de la rue principale.
Ils se joignirent à une table de poker, où les deux compagnons bénéficièrent d'une chance prodigieuse. Leurs adversaires abandonnèrent un à un le jeu : Phil, un notable bien mis, fut le premier à s'éclipser prudemment, peu après suivi de Tom, bûcheron de son état, qui partit d'un pas rageur. Il ne restait plus en lice qu'un indien dénommé Rowtag, qui ne tarda pas à perdre l'intégralité de ses possessions. L'ambiance commençait à être malsaine, et David se sentait un peu mal à l'aise ; il avait de la compassion pour cet homme, malgré le vif plaisir qu'il éprouvait à se sentir soudainement en fonds. Pour détendre l'atmosphère, il alla commander une tournée au patron du bar.
Quand il revint à la table, l'indien était en train de demander une dernière chance à John, lui proposant de miser un objet d'une grande valeur contre toutes ses pertes. L'homme déposa sur la table un paquet de chiffons crasseux, qu'il dénoua en jetant des regards furtifs autour d'eux. Il ne défit pas entièrement l'enveloppe de tissus, se contentant d'en écarter brièvement un pan de sorte que David et John puissent se rendre compte qu'il s'agissait d'un bloc de minerai massif présentant de très nettes traces d'or. Un sentiment étrange s'empara de David, un mélange d'exaltation devant ce qui pouvait être une preuve de l'existence d'un filon aurifère dans la région, et d'angoisse indéfinissable. John accepta sur le champ la proposition de Rotwag, et les cartes furent rebattues. Curieusement, la chance tourna pour David ; il put également constater à sa mine que John ne devait pas avoir une bonne main non plus. Finalement et contre toute attente, John gagna. David et lui empochèrent rapidement leurs gains et se dirigèrent vers la sortie, quand l'indien les accusa d'avoir triché. Aussitôt, John franchit la porte en courant ; David n'eut pas le temps de réfléchir et se mit à courir sur ses traces, tandis que le saloon s'ébranlait comme un seul homme à leur poursuite.
C'est haletant et baignés de sueur qu'ils arrivèrent à la lisière de la forêt qui entourait Dayton. Ils voulurent croire avoir semé leurs poursuivants, mais décidèrent de ne pas prendre de risque, et s'enfoncèrent dans la sombre futaie qu'une lune maigrichonne arrosait de sa blême clarté. John et David suivirent une sente sinueuse, au bout de laquelle ils trouvèrent une clairière où un cabanon miteux les attendait providentiellement. Les deux hommes s'y réfugièrent à bout de forces.
Au lointain, les aboiements des chiens, les cris des hommes à leurs trousses. L'inquiétude d'être retrouvés gagnait David, elle l'immobilisait, le poussait à se terrer davantage dans l'espoir futile de passer inaperçu. Ses entrailles étaient de plomb, et une forte envie d'uriner l'oppressait. De son côté, John s'était collé à l'unique vitre crasseuse et fissurée, tentant de voir venir leurs éventuels assaillants, et l'idée qu'on puisse l'apercevoir contribuait au stress de David.
D'un coup, la monotone symphonie nocturne des bois s'interrompit, laissant place à un silence assourdissant, brisé sporadiquement par les chiens à leur recherche à plus d'un mille de là. Une ombre couvrit la clairière, plongeant la cabane dans l'obscurité ; quelque chose approchait, David en était sûr, même s'il ne savait auquel de ses sens attribuer cette certitude : l'imperceptible bruissement des fourrés ou les légères vibrations du sol, ou encore ce sentiment oppressant qui lui coupait le souffle. Il intima à John de se cacher, mais ce dernier ne réagit pas. Il semblait concentré sur ce qui allait se passer, accoudé à la porte dans une posture figée.
Les pas de l'invisible présence semblaient continuer, établissant un parcours circulaire autour de la clairière. David réussit à trouver le courage de se relever pour aller chercher John, qui ne répondait toujours pas à ses appels. Il traversa l'espace infini qui le séparait de son comparse comme un funambule au dessus des lions, et finit par toucher son épaule. Comme John ne remarquait pas ce contact, David tenta de le secouer puis de le pincer. Rigide. Froide. L'épaule de John paraissait de pierre. Affolé, David tenta de pousser son ami ; la panique le gagna lorsqu'il se rendit compte qu'il n'y parvenait pas, comme si John avait littéralement pris racine. Décidé à venir en aide à son ami, David rassembla ses forces, prit de l'élan et pesa vigoureusement contre lui. Alors John bascula, David par dessus lui, et, comme si un enchantement s'était brisé, la lueur de la lune leur parvint à nouveau et les bruits nocturnes de la forêt reprirent.
Combien de temps avait duré cette situation, David n'aurait su le dire, mais sûrement plus longtemps qu'il ne paraissait, puisque les poursuivants avaient abandonné, ou s'étaient fourvoyés, car on n'entendait plus leurs chiens. John avait l'air inconscient, mais bien vivant, et David risqua un regard prudent par la fenêtre, mais ne remarqua rien, sinon que l'aube était sur le point de se lever.

  • Tu as trop bu, c'est tout !, s'exclama John.
  • Je t'assure que ce que je n'ai rien inventé, et tu avais plus bu que moi, protesta David.
  • Arrête ton cirque, j'ai bien surveillé, les villageois de Dayton ne nous ont pas trouvés, et ensuite on est allés se pieuter. Une chance que j'ai trouvé cette bicoque !
  • Bon, c'est comme tu veux, je vois bien que tu ne veux pas m'écouter, tu n'es qu'une tête de mule ! En attendant, que fait-on ? On ne peut plus se pointer à Dayton...
  • On va compter nos gains d'hier, et puis on ira un peu plus au nord ; il y aura sans doute une autre ville, et on se rapprochera du filon, à coup sûr.

Les gains formaient une coquette somme, plus élevée que tout ce qu'ils avaient réussi à amasser par le passé, et suffisante pour se lancer hardiment dans l'exploitation d'une mine. Si toutefois John parvenait à ne pas tout dépenser avant. Enfin, les deux amis décidèrent d'examiner le paquet qu'ils avaient réussi à arracher à Rotwag. David refusa de le toucher, car cela lui inspirait une répulsion instinctive.
Les chiffons défaits, John exhiba une pierre grisâtre avec les veines d'or pur qu'ils avaient remarquées la veille. Sans surprise, la pierre en elle-même représentait pas mal d'argent, mais sans doute un peu moins que ce que l'indien avait sous-entendu. John manipula la pierre, la faisant rouler sur le tissu brun, et les deux amis constatèrent avec étonnement que la pierre avait été taillée. La face du dessous était lisse, c'était sans doute un morceau d'une sculpture. Peut-être cela provenait-il d'une statue taillée par une tribu locale.
David sentit son estomac se retourner à l'idée qu'ils possédaient un objet aborigène, car il redoutait les indiens, qui lui inspiraient une défiance héritée des contes de son enfance et de la sagesse populaire. John n'avait pas l'air embarrassé d'autant de scrupules. Il s'amusait à décrypter quel genre de sculpture cela pourrait être :
  • Voyons, on dirait des plumes, oui, c'est sans doute ça. Cela doit être quelque oiseau, ou une coiffe telle qu'ils en portent dans certaines tribus. L'exécution en est très fine, on a l'impression de toucher de vraies plumes, tâte-moi ça, tu vas voir !
  • Sans façons, merci !
David n'avait vraiment aucune envie de toucher l'objet, qui le dégoûtait profondément, sans doute à cause de ce qu'il avait vécu cette nuit, ou encore parce que son sentiment le mettait sur ses gardes, ou bien parce qu'il savait que l'objet avait été acquis malhonnêtement. John, amusé de sa répugnance à approcher l'objet, s'amusa à le poursuivre avec, et parvint à le toucher à l'épaule. David dut s'énerver pour qu'il arrête. Enfin, ils se remirent en route.

Ils ne parvinrent pas à rejoindre une autre ville ce soir là, mais ils avaient réussi à pêcher quelques poissons, et établirent leur camp au bord de la Carson, réunissant suffisamment de bois pour passer la nuit. D'après ce qu'ils savaient, ils devaient être sur une piste assez fréquentée, et ils s'attendaient à tomber sur un hameau le lendemain. Ils se sentaient assez optimistes.
Le soleil s'était couché depuis quelques heures, mais ils avaient passé un certain temps à bavarder près du feu. John était allé se coucher, et David veillait en ruminant de sombres pensées. Il savait qu c'était une erreur, car il était fourbu, n'ayant que peu ou pas dormi la veille. Comme d'habitude, John n'en avait pas tenu compte, car ils était convaincu que le récit de son compagnon provenait d'un rêve, preuve certaine qu'il avait dormi ne fusse qu'un peu la nuit précédente.
David s'éveilla. Il se rendit compte qu'il s'était involontairement assoupi, mais se demanda ce qui avait pu le tirer de son sommeil. Rien d'anormal ne troublait la quiétude de la nuit, John dormait profondément. David se sentit sombrer doucement dans un nouveau somme, car il avait vraiment besoin de dormir, et il se trouvait dans cet état de torpeur propre à la phase d'éveil.
Soudain, un cri jaillit des profondeurs de la nuit, chassant définitivement chez David toute velléité de se rendormir. Ce cri très étrange, perçant et rauque, ne correspondait à aucun animal que David ait rencontré jusque là ; c'était assez proche de celui d'un oiseau de proie, mais le cowboy n'aurait pu en jurer. Inquiet, il se demanda s'il devait réveiller John, mais il se sentit un peu ridicule de le déranger pour si peu. Un autre cri, plus rapproché, l'incita à sortir son Colt. Il se mit à attiser le feu pour éloigner l'animal, au cas où ce serait un prédateur.
Le cri suivant fit naître un sentiment d'angoisse similaire à celui que lui inspirait le bloc de pierre de Rotwag. Le cri provenait à coup sûr d'un oiseau, car il venait d'une direction au dessus du camp. David se précipita pour secouer John, et se rendit compte avec horreur que son compagnon était figé comme la veille.
Une ombre passa au dessus du camp, et le brandon de David s'éteignit, tandis que le foyer perdait en intensité, sans toutefois mourir tout à fait. Au bord des larmes, David s'accroupit par terre, le cœur serré, prêt à l'attaque qui lui semblait inévitable. Il entendit des remous d'air au dessus d'eux, et supposant que la bête s'était assez approchée, tira trois coups au jugé. John ne broncha pas. David était plongé dans l'incertitude quant à la conduite à tenir. Il tenta de réveiller son coéquipier, mais n'eut pas plus de succès qu'auparavant, puis il récupéra la carabine de John.
Peu après, il entendit un bruit sourd en amont de la Carson. La bête avait dû se poser, et elle devait être sacrément grosse. David s'avança un peu, les mains tremblantes, et mit le feu entre lui et son ennemi. Il s'accroupit et se mit en position de tir. Il eut la sensation que le sol tremblait à chacun des pas que faisait la bête, et sentit son urine chaude ruisseler le long de ses cuisses. Il crut voir quelque chose, et tira deux coups de carabine, puis la jeta pour assurer ses futurs tirs avec le Colt. Rien n'indiquait que la chose avait été touchée.
Enfin, les maigres rayons de lune éclairèrent suffisamment pour que David put voir leur assaillant. La chose était effectivement gigantesque, cela semblait fait de pierre similaire à leur échantillon. Des ailes pourvues de griffes, un visage inhumain pourvu d'une coiffe de plumes, et des pattes monstrueuses. David tira ses dernières cartouches avec l'énergie du désespoir, sans que la bête en paraisse affectée, et pourtant il était sûr de ne pas avoir pu louper. C'est alors que la bête poussa un hurlement puissant, et David se tordit de douleur, terrassé.


Il se réveilla au petit matin. John avait disparu. Une douleur aiguë traversa David lorsqu'il se leva au milieu du camp saccagé ; il était étourdi, ayant du mal à rassembler ses esprits. Sa respiration était comme encombrée. Le paquetage de John avait était éparpillé, et David devina que le minerai aurait lui aussi disparu. David se sentit une nouvelle fois mal, une douleur plus intense encore lui vint de l'épaule. Il ôta sa chemise pour tâter son épaule endolorie. Épouvanté, il s'aperçut que sa peau devenait friable sous ses doigts ; il regarda sa main tandis que la chair de son épaule s'écoulait inéluctablement en flocons irréguliers. Des cendres.
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Participation de Blanche Neige

Posted by Flora/Flux On 09:14 1 commentaire
J’aime les coquelicots, ils sont simples, fragiles mais ils sont beaux. Mais je n’ai pas trouvé de coquelicots pour décorer ma maison, alors j’ai acheté deux cadres l’un avec des tulipes rouges et l’autre avec des tournesols jaunes. C’est pas mal non plus. Maintenant que j’ai planté deux petits crochets dans le mur au dessus du buffet, je peux admirer mes tulipes et mes tournesols comme deux taches de couleur sur mon mur blanc. C’est une façon comme une autre de faire patienter mon désir de vivre dans un « chez moi » enfin terminé. Cette maison en travaux me sort par les yeux, mais je n’ai pas vraiment le temps de m’apitoyer sur l’avancée ou devrais je dire la « non avancée » des travaux. Alison vient de dévaler les escaliers en criant poursuivis par Jason qui promet de la faire passer par la fenêtre s’il l’attrape. Comment ma mère peut elle dire que c’est plus facile lorsqu’ils sont petits ? De toute façon elle n’est pas là pour me voir pendant que je cavale toute la journée pour remplir mes tâches de femme au foyer, d’ailleurs il est où mon foyer ? J’imagine une vraie femme au foyer, assise au coin du feu le regard perdu dans le vague entrain de bercer doucement son enfant ou de tricoter une chaude écharpe pour son mari. Au lieu de cela je suis une femme échevelée qui ne se pose que pour s’effondrer à pas d’heure sur son lit, éreintée par une folle journée de plus. Mes quatre enfants sont une source inépuisable de travail et de joie, beaucoup de travail et beaucoup de joie ça fait toujours beaucoup. Ce matin c’est le début de la folle journée du lundi, après le week-end il faut remettre de l’ordre, laver les draps et faire les courses. J’ai casé Alison et Jason à l’école primaire je repars donc avec Chloé et Théo vers le centre commercial avec un grand défi : ne pas les perdre ! Bon, j’avoue le but premier c’est quand même de remplir le frigo sans oublier le roulement des réserves pour s’assurer de ne pas se retrouver en mode pénurie ; je pourrai même cocher une case de plus dans mon calendrier des réserves donné par nos zélés instructeurs au foyer. Chloé tient le caddie et Théo mordille consciencieusement la partie qui reçoit le jeton. J’essaye de me concentrer sur ma liste pendant que Chloé tire le pied de son frère assis face à moi dans le chariot ; évidemment celui-ci se débat et je reçois les coups de pieds destinés à sa sœur. Je soupire, « arrêtez cinq minutes, c’est bientôt fini ». Cela ne convainc personne, ni eux ni moi mais c’est comme un rituel, il faut que j’assure tout le monde que c’est bientôt fini alors que l’on vient juste d’arriver. Comme toujours je résiste aux demandes fantaisistes de ma fille qui voudrait des glaces, une nouvelle robe, des chaussures, des fraises (c’est pas la saison), bref tout ce qui arrive à hauteur de ses yeux et achète une baguette viennoise au rayon boulangerie pour leur « clouer le bec » en fin de parcours. Ouf ! les courses sont finies, il reste ….tout le reste. Chloé voudrait que je lui chante une chanson pendant que je charge la voiture, je lui demande laquelle ; « la vache savait nager » devient la chanson du moment. Je referme le coffre, m’assure que tout le monde est bien attaché et commence à me détendre en la regardant dans le rétroviseur continuer à chantonner. Elle est si mignonne avec ses boucles brunes et son petit nez, soudain Théo se met à hurler. Je sursaute, que se passe-t-il je me retourne (heureusement nous sommes au feu rouge). Chloé a coincé le menton de son frère en lui remontant la fermeture éclair de son manteau tout en chantonnant. Mon moment de détente et d’attendrissement aura été de courte durée. La colère arrive aussi vite que Jason dans les escaliers ce matin. « Je t’ai déjà dit de ne pas lui remonter la fermeture éclair, à chaque fois tu le pinces. Tu es pénible, tu n’écoutes jamais rien, quand est-ce que tu vas te décider à obéir, à quoi ça sert que je te chante des chansons pour que tu me mettes en colère en embêtant ton petit frère» Je m’arrête parce que je sens que je pourrais continuer encore un moment sur le chapitre et que cela n’avance à rien. Chloé boude, elle ne l’a pas fait exprès dit-elle, je ne suis pas une gentille maman, je crie tout le temps. Le moment de béatitude est bien passé, je me trouve en pleine crise, Théo pleure, Chloé proteste et moi j’ai honte de m’être énervée aussi vite. « Qu’est-ce que Jésus ferait s’Il était à ma place ? » Surement pas passer ses nerfs dans une litanie de reproches, et si la vache savait nager, je ne savais assurément pas rester zen dés les enseignements du dimanche derrière moi. Je n’ai pas le temps de me repentir, il faut rapidement préparer le repas et garder l’œil sur la pendule pour ne pas louper l’heure de la sieste, ce moment magique où mes deux petits redevenus mes anges s’endorment pour un repos bien mérité. Mais aujourd’hui, mes anges n’ont pas sommeil et la sieste tourne à l’affrontement. Je menace, je promets, rien n’y fait. La frustration est là. Je vais donc continuer le ménage avec un Théo grognon et une Chloé survoltée qui s’ennuie. Je me décide à faire une prière silencieuse : « Père Céleste, que veux-tu que je fasse ? »La réponse arrive aussitôt « vas au parc ». Je n’ai pas envie d’interrompre le rangement mais je sais que si je pose une question la moindre des choses c’est d’obéir. Très fière de moi je me décide à laisser tout en plan pour suivre ma réponse, mais les enfants ne l’entendent pas de cette oreille : ils n’ont pas envie d’aller au parc ! Je m’efforce de rester calme, de ne pas me sentir rejetée par leur attitude, de relativiser ce sont des petits, mais la moutarde me monte au nez. C’est si difficile que ça d’aller au parc ? Finalement leur résistance s’arrête aussi soudainement qu’elle était apparue et nous voilà partis au parc. Ils sont contents d’être là et je recommence à me détendre à les voir jouer gentiment, je me sens très bénie de pouvoir être là au soleil d’hiver à profiter de mes enfants qui jouent. L’heure tourne, et c’est le moment d’aller rechercher les grands. Je n’ai pas terminé ce que j’avais prévu de faire mais mon moral est remonté au beau fixe, je me sens bien. Nous arrivons pile à l’heure de l’ouverture du portail et les petits sont impatients de retrouver leurs aînés. A peine le bisou donné je remarque que Jason n’est pas de bonne humeur. « Que se passe-t-il mon bonhomme ? ». Le bonhomme n’a pas envie de parler, il marmonne quelque chose qui semble vouloir dire qu’il n’y a rien d’important. J’insiste sans succès et décide de ne pas ternir nos retrouvailles, je réessayerai au goûter. Le placard étant plein le goûter est joyeux, du chocolat, des madeleines. Alison monopolise l’attention en racontant sa journée, les petits n’en perdent pas une miette. Seul Jason semble absent, je décide de le prendre à part pour ne pas risquer que sa sœur s’en mêle ; ils ont le chic pour s’attraper pour tout et pour rien. Une fois le goûter fini je lui demande de rester pour m’aider, il n’est pas dupe et se doute que je veux lui parler. Il me faut des trésors de patience pour arriver à lui tirer des explications en imaginant mille et une possibilités : mauvaise note, dispute avec un copain, bagarre, tricherie. Quand finalement il m’explique la raison de sa mine contrariée c’est moi qui reste silencieuse. Après avoir parlé à un copain de sa classe de ce qu’il fait à la Primaire, Jason lui a proposé de l’accompagner à une activité. Le copain en a parlé à sa maman le midi. Au retour de la cantine le copain, sa maman et la maîtresse l’attendaient pour lui parler. Mademoiselle Ticquet lui a expliqué qu’il ne devait pas parler de sa religion à l’école, que c’était personnel. La maman de son copain n’a rien dit mais elle semblait fâchée. Jason est triste, il ne comprend pas ce qu’il a fait de mal mais il est encore plus triste pour son copain : « Il ne pourra pas connaître la Primaire et tout ce que l’on apprend sur Jésus, ce n’est pas juste. » Je ne sais pas quoi lui répondre, j’ai envie d’aller voir la maîtresse et lui expliquer que Jason n’a rien fait de mal, mais j’imagine que cela va aggraver les choses et je veux surtout protéger mon petit garçon. Ce soir, mon mari a une réunion à la chapelle, il rentrera tard. Je suis triste toute la soirée, je ne sais pas quoi faire pour aider Jason. Je me couche le cœur lourd, le tas de gravas devant ma fenêtre lorsque je ferme les volets achève de me plomber le moral. Je vois tout en noir, je suis une mère incapable d’aimer correctement ses enfants et de leur apporter le réconfort dont ils ont besoin, je m’énerve pour rien…ce soir ma prière sera courte : « Père Céleste aide moi à voir la beauté de cette vie. » Je m’endors. C’est mardi, je me lève fatiguée d’avance de cette nouvelle journée. Ma morosité de la veille ne m’a pas quittée, machinalement j’ouvre les volets de ma chambre. Sur le tas de gravas se dresse un coquelicot, je m’arrête et le contemple. Merci Père Céleste de me montrer la beauté même sur un tas de gravas, surtout sur un tas de gravas. J’aime les coquelicots, ils sont simples, fragiles mais ils sont beaux.
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Participation de Alison

Posted by Flora/Flux On 09:13 2 commentaires
Demain c'est loin



Je m'appelle Dirkal.

En fait mon vrai nom c'est Leelah Sorgel. J'ai 19 ans, et j'ai tué ma petite sœur. Elle l'avait bien mérité cette garce, et mon histoire avait fait le tour du monde, tellement je ne regrette pas mon geste. Enfin si, je regrette d'avoir mal calculé mon temps, elle a pas assez souffert, et puis je suis tombé dans les pommes en court de route. Mais bon passons.
Je me suis donc retrouvée en prison pour femmes, à l'époque j'avais 16 ans. J'ai fini par être la prisonnière la plus adulée après avoir botté les fesses du trio qui y faisait la loi. Sauf que moi ma loi était juste, les gardiens me respectaient car grâce à mon comportement le taux de criminalité baissait et les trafics en tout genre aussi. J'ai beau avoir transgressé le commandement 'tu ne tueras point' je respectais tous les autres. Mais ça ne m'a pas empêché d'être excommuniée. J'étais mormone.
Le jour de mes 18 ans deux types en Men In Black sont venus me proposer un contrat que je n'ai pas sû refuser : faire partie d'un gang ultra secret défendant la sécurité humaine à échelle mondiale.
Il ont planifié mon évasion et après avoir réussi leurs tests de la mort qui tue, me voici ici.

Un an déjà que je fais partie du Square, et aujourd'hui je fais ma première mission.
Je suis avec Buffalo, mon 'papa'. C'est lui qui m'a formé, il m'a tout appris, et en plus il pourrait être mon père, il a 20 ans de plus que moi.
Notre esquade compte huit personnes. Huit personnes qui font régner la paix dans le monde diplomatique, scientifique et j'en passe. Notre mission à Buffalo et moi consiste à récupérer une puce dans un laboratoire mafioso, puce dans laquelle des données criptées ne doivent pas être rendues publiques et encore moins vendues. Rien de plus simple. Enfin, c'est ce que me dit Buffalo :

« Cette mission c'est pour te faire la main, y'a rien de plus simple. Ne t'en fais pas, je suis à tes côtés, et puis j'ai confiance en toi, tu as un bon potentiel. »

Buffalo c'est la force tranquille.
Tous les membres du Square ont été recrutés. Tous sauf Buffalo : il s'est engagé volontairement, il a mis des années à trouver le Square et s'est entraîné comme un taré pour réussir les test d'admission.
Pourquoi ? Parce qu'il est originaire d'un village africain, où la milice gouvernementale à décimé tous les habitants, sa femme et leur bébé avec. Il a survécu car ce jour là il était dans un autre village pour y faire un travail. Il s'est alors juré de faire changer ce monde de fous. Et le voici ici.

Nous avons tous, en intégrant le Square, choisi un nouveau nom, pour tirer un trait sur le passé car la personne que nous étions est officiellement morte et enterrée. Oui j'ai une tombe où mes parents vont y pleurer -ou m'insulter- en étant persuadés que je suis dedans ! Hahaha ! Hum, bref...
Je ne sais pas pourquoi, peut-être à cause du stress, mais aujourd'hui cette question me brûle les lèvres :

« Pourquoi tu t'appelles Buffalo ? »

Tout en conduisant le hammer, il esquisse un sourire de fierté qui illumine son visage. Il appuie sur le bouton du poste radio, fait deux-trois réglages et lance une chanson. Du Bob Marley.
J'écoute...
J'aime Bob Marley, mais je ne connais que celles qu'on entend tout le temps. Celle là je ne l'ai jamais entendue. Et là il se met à chanter avec :

« Buffalo Soldier... »

On dirait un gamin, il chante à tue tête ! Ça me fait sourire, de le voir comme ça, détendu avant une mission. J'arrive pas à y croire.

« Tu sais Dirkal, tu es la seule qui connaît mon histoire. Bon, sans mon vrai nom, mais tout le reste est vrai. Pour moi tu es comme ma fille. »
« T'es gentil... »
« Le refrain je suis sûre que tu le connaît, allez chante avec moi ! »
« Hein ?! »
« Allez, fait pas ta timide, suis moi !! Oyoyo ! Oyoyoyo ! Oyoyo-yoyoyoyoyo !!!! I said : Oyoyo !!... »

On rigole comme des gosses ! J'ai chanté avec lui. Et d'un coup je trouve cette journée belle. Le soleil qui tape comme un cagnard, du Bob Marley, des rires... ça me rappelle le lycée... enfin, le peu de mois où j'y ai été.
Mon regard se pose à mes genoux, et là je vois la boîte à gants entre-ouverte, une paire de lunettes noire dedans. Je les met. Je me tourne vers Buffalo, qui me regarde et me dit :

« Attention Dirkal, c'est pour de vrai cette fois, c'est pas un jeu. Te prend pas pour Lara Croft, y'a pas de bouton recommencer. »
« Hum... tu trouves que je lui ressemble avec ces lunettes rondes ? Je me regarde dans le rétroviseur, en effet. Non en fait c'est elle qui m'a copié, l'original est toujours mieux ! »

On rigole.
C'est vrai qu'on m'a souvent comparé à elle au collège. On a les mêmes yeux, cheveux châtains en tresse, le même visage, la même silhouette... enfin... ma poitrine c'est du 80B, mais apart ça c'est la même chose !

« On y est. »

Il éteint la musique et gare le hammer dans une ruelle.

« Tu veux bien qu'on prie ma fille ? »
« A toi l'honneur. »

La prière finie, le stress monte. Il le voit. Il me fait faire les exercices de respiration, et il me fait un point de digitopression.

« Tu veux un dopant ? Ça peut aider... »
« Merci »

Il me tend une gélule. Je l'avale.

C'est parti ! On sort du véhicule et on se dirige dans le centre ville. Des immeubles plus grands les uns que les autres, vive les USA. On est habillés tout en noir : treillie, casquette, rangers et t-shirt moulant basique. Nos armes tiennent dans un sacs en bandoulière, car cette mission est super facile. D'ailleurs on ne porte même pas de gilet par balle. Bref, on se fond dans la masse. Les rues sont pleines de monde, très animées. On est à New York.

« C'est celui là, entrons. »

On prend l'ascenseur, il appuie sur l'étage « 10 » sachant qu'il y en a 15.
On sort à celui là, ce sont des bureaux. Tout l'immeuble est composé d'étages de ce genre. Sauf un, qui est le laboratoire illégal. Il se trouve à l'étage 15, le seul condamné.
Personne ne nous voit, ils sont tous cloisonnés dans leur espaces à téléphoner, taper sur leur ordinateur... On se dirige vers les toilettes.
Il y a un conduit d'aération, on l'ouvre et on s'y engouffre. Le temps est long là dedans. On se dirige comme ça jusqu'à l'étage 15, à quatre pattes. On est dirigé par son « gps » où toutes les cartes de la structure sont affichées.

« Maintenant plus de bruits, on y est. Regarde. »

Je vois à travers les petites lamelles. Oui c'est bien un laboratoire, des ordinatuers, des trucs dans des bocaux, de drôles de machines, bref, une ambiance de labo. Il y a personne. Vraiment personne.

« La puce est là, dans ce boîtier blanc posé sur cette table ci. Il me la montre en pointant du doigt.
On ouvre la grille, on la prend et on repart. Tu vois c'est facile. »
« Oui c'est simple... mais ils sont où les gens ? »
« Là par contre c'est bizarre en effet... »

Il réfléchit. Longtemps, trop longtemps. Je le vois froncer les sur-cils, faire un léger non de la tête... Et d'un coup je vois son regard changer. Il se tourne alors vers moi, me prend par les épaules et en me perçant du regard me dit :

« Dirkal, on est dans une mission suicide. Ça veut dire qu'on va y rester. »
« QUOI ??  mais... mais tu... »
« Oui, désolé, ils ont dû intercepter mon message. J'avais raison ! Bon sang... »
« De quoi tu parles ? Quel message ? Qui ? »
« Le Square, il est pas si clean que ça. Il met sa main dans ma poche et me tend un médaillon : on dirait une clé usb déguisée. Prend le et met-le dans la première boîte aux lettres que tu trouvera. Je vais te faire sortir d'ici, c'est ma mort qu'ils veulent. En me mettant avec toi, ils savaient que ce serait plus facile de me tuer avec ce genre de mission car j'aurai la garde baissée. Les enfoirés. »

Il me fait un bisous sur le front, me lâche et ouvre la grille. Je suis tétanisée, sous le choc. Je me ressaisie et sort mon Desert Eagle du sac pour le couvrir. Je tremble. Il prend la puce et remonte par la grille.

« Tiens la puce, met-la en lieu sure et va-t'en. »

Une alarme retentie.
Il me prend alors le bras gauche, sort son couteau et me fais une entaille. Il prend le boîtier blanc, sort la puce et me l'y insère. Il me fait un bandage. Je n'arrive pas à y croire, quelle journée pourrie !

« Sors d'ici maintenant ! »
« Non, je ne saurai pas faire toute seule, j'ai besoin de toi ! »

Des coups de feu retentissent, il se retourne en prenant son flingue et se prend une balle en pleine poitrine.
J'hurle.
Il tombe sur moi, j'essaye de le tirer loin de la sortie de la grille, mais sa masse est horriblement lourde. J'y arrive avec beaucoup de mal.

« Reste avec moi je t'en supplie !
« Ma fille va t'en, écoute moi s'il te plaît. Part ! »

Il crache du sang. Il commence à trembler. Je l'allonge au sol, et lui tiens la main.

« Je te laisse pas creuver comme un chien ! Je sens que des larmes coulent de mes yeux. Je t'aime mon papa, qu'est ce que je vais devenir sans toi ? Autant tout arrêter ! »
« Non, il faut que tu leur botte les fesses. Détruit ces fumiers, fait le pour moi. Détruit le Square de l'intérieur. »

Il tousse... il se vide de son sang.

« Tu me sur-estime... »
« NON. Rappelle toi qui tu es, comment je t'ai formée. Comment tu t'appelles ? »

Je reprend alors conscience de mes capacités, je sèche mes larmes, la détermination m'habite, mon visage se durci. Je lui répond avec toute ma hargne et du plus profond de mes tripes :


« Je m'appelle Dirkal. »
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Participation de Amy

Posted by Flora/Flux On 09:12 1 commentaire
Il faisait beau.
Le soleil brillait, les enfants courraient, et Josh riait.
Ils avaient tous l'air heureux, et de mon banc je pouvais voir Josh jouer avec d'autre garçons de cinq ans.
Ils avaient TOUS l'air heureux.
Sur ma gauche, le cliché de la vieille aux pigeons souriait niaisement, devant moi, un groupe d'ado discutaient et fumaient sous les arbres (j'ai une sainte horreur de cette odeur de tabac...) , dans le fond, Josh jouait dans la structure de jeux...
Et puis il y avait cette mère, qui aidait sa fille à grimper sur un de ces toboggans ridiculement petit que plus jeunes nous percevions comme des montagnes...
Et elle aussi était heureuse. Comment faisait elle ?
Comment pouvait elle rire et être mère à la fois ?
Et pourquoi moi, je suis si triste...
Comme le temps commençait à se faire long, je sortis de mon sac un de ces carnets fleuris qu'on vous offres aux anniversaires et dont vous ne savez fichtrement pas quoi faire.
Je me mis machinalement à griffonner des silhouette de femmes, puis des arbres, des fleurs...
Comme le temps était long...
Je devais encore préparer ma leçon pour l'école du dimanche. Il y avait aussi cette histoire de cookies que ma présidente de soso m'avait demandé de préparer pour les missionnaires.
Au fond, quel est l’intérêt de cuisiner à des américains des cookies, alors qu'ils savent de toutes évidences mieux les faire que moi ?
Je soupirais...

Je fermais alors les yeux.

« Pourquoi ? Murmurais-je.
Pourquoi Dieu ? Pourquoi cette douleur quotidienne ? Pourquoi cette souffrance ?
J'implore ta Grandeur si souvent glorifié... Père je ne comprends pas. Je ne comprends pas pourquoi j'ai cet espèce de vide en moi.
Pourquoi ?
Tu sais, quand je vois les autres, j'ai l'impression qu'il suffit d'y croire pour être heureux.
Comme si il fallait juste le vouloir.
Alors je veux. Je veux être heureuse.
Pitié Dieu, AIDE MOI ! »

J'attendais.
J'attendais encore...
Rien. Ni soulagement, ni réconfort...Un simple et énorme vide. Un simple et énorme néant.
Je me mis à pleurer...

Et cette satané vieille qui me regarde, avec ses grands yeux gris ! Mais qu'est-ce qu'elle veux ?!
Que je lui fasse un sourire ? Pourquoi ? Elle veut que je sois polie ?
Le plus important, c'est que je sois heureuse ou que je sourisse ?! Et elle me regarde encore.
Quoi ?! Elle n'a jamais vu quelqu'un pleurer ? Oh non, elle ne fréquente que des gens heureux !
Ah ! Qu'est-ce qu'ils m'agacent tous !

« -Et toi ?! Murmurais-je un peu plus fort
Toi Dieu, Toi que je pris... Que fais tu de mes plaintes ?
Et moi, qu'ai-je fais pour mériter ton indifférence ? Pfff...
Pourquoi ça ne marche jamais avec moi ? De toutes façons, tu ne comprends rien. Et plutôt que de nous venir en aide, à nous tes enfants, tu te trouve des excuses !
« Dieu répond en son temps » et bla bla bla !
Et puis quoi encore ? Comme si j'avais du temps moi ! Et quand Josh a besoin de mon aide, je ne le laisse pas seul, MOI ! Ha ! Tu ne peux pas en dire autant pas vrai ! Et si tu savais comme je souffre, peut être répondrais-tu...
Encore faudrait il que tu m'écoute lorsque je te pris !
Tiens, Josh vient. Je vais lui répondre, MOI ! »

Josh vint s’asseoir à côté de moi.

« -Maman, on est dimanche demain ?
-Oui mon cœur... Qu'est-ce qui te fait sourire ?
-Je suis content parce que demain on va à l'église !
-...
-J'aime Jésus. Pourquoi tu pleure maman ?
-Et bien parce que... Parce que je t'aime beaucoup et que je suis contente d'être ta maman !

Il se blottit contre moi.
Et moi je continuais à pleurer. Je me sentais bête...

« -Dis maman, tu peux me chanter la chanson la ? Tu sais celle que tu apprends en ce moment ?
-La... Chanson ?

Je réfléchis un instant. D'un geste de la main, j’estompai les larmes qui inondés mes joues.
La chanson...

« -Tu parles de celle que j'apprends... Au chœur de paroisse ? Le 68 ?
-Heu... Je sais paaas !

Je me mis à chanter.

« -Où pourrais-je chercher la paix de l'âme...
-Oui oui ! Celle la, j'aime quand tu la chantes !

Machinalement, je me mis à chanter...

« Où pourrais-je chercher la paix de l'âme?
Quand je ne peux trouver nul réconfort,
Quand mon cœur est brisé, que, plein de larmes,
Seul je tiens à rester, où est le port?


Lorsque je me languis dans la souffrance
Dans mon trouble infini, où puis-je aller?
Où rechercher la main de l'espérance?
Qui comprend mon chagrin? Mon Frère Aîné...

Ma voie se brisa.


Mon Sauveur bien-aimé ôte ma peine,
Dans mon Gethsémané, ouvre le ciel.
Il m'accorde sa paix, brise mes chaînes,
Son amour, sa bonté sont éternels.

« -Merci maman !
-De... De rien Josh...

Il repartie en courant vers la structure de jeux.

« -Père. Pardonne moi.

Je fermi mes yeux baignés de larmes.

-Pardonne moi ! »

Je regarda tout autour de moi.
Sur ma gauche, une petite vieille souriait paisiblement, devant moi, un groupe d'ado discutaient et riaient sous les arbres , dans le fond, Josh jouait dans la structure de jeux...
Et puis il y avait cette mère, qui aidait sa fille à grimper sur un de ces toboggans colorés.
Elle était heureuse.
Je me mis à sourire puis à rire
J'étais en paix ...


Il faisait beau.
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